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REVUE

PAR

LA SOCIÉTÉ CUVIERIENNE.

Année 18&5.

PARIS.- IMPIIIMEIUE DE FAIN ET TIIUNOT,

RUE RACirsK, 28, PRÈS DE l'ODKOW-

RKVUK

ZOOLOGIQUE,

PAR

LA SOCIÉTÉ CUVIEUIENNE;

ASSOCIATION UNIVERSEI.X.B

l'OUR

L'AVAINCEMEINT DK LA ZOOLOGIE , DE L'AINATOMIE COMPARÉE ET DE LA PALiEONTOLOGlE ;

Journal mensuel .

PUBLIE SOUS LA DIRECTION »B M. F.-S. aUERIN.MÉl«EVII.IJB.

PARIS,

AU BURKAL DE LA REVUE ZOOUOGIQUE

Rue de* Beaux-Arts , 4.

1845.

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BUITIÈME ANNÉE. JANVIER 1845.

1. TRAVAUX INEDITS.

Mélanges orîsitholOgiques par F. de Lafresnaye.

Sur le genre Picumne , de Temminck , pi. coloriées.

11 est évident que dans le genre Picumnus, fondé par Tem- minck sur une petite espèce de grimpeur d'Amérique , placée auparavant dans les pics, les torcols et même les manakins, cette espèce type, le Picus minutus , Lat. , Vunx minutissimus , L. Gmel., et une ou deux autres espèces de celles qu'on lui a réunies depuis , ont donné lieu à plusieurs erreurs de synonymie, répétées par la plupart des auteurs. Nous allons essayer de les rectifier autant que notre éloignement des musées publics nous le permettra.

D'abord , l'espèce type, le petit pic de Cayenne [Picus cayen- nensisminor), Brisson, t. 4, p. 83, que nous reconnaissons bien, avec quelques auteurs, comme synonyme du Picus minutus , Lat. , Funx minutissimus , L. Gmel. , ne nous paraît nullement l'être du très-petit pic de Cayenne , décrit et figuré par Buffon, pi. enl. 786, f. 1 , quoique cet auteur l'y ait indiqué comme tel, et après lui la plupart des auteurs, tels que Gmelin , Vieillot, Cuvier, Lesson , Temminck, etc. Le professeur Lichtenstein est le premier qui ait émis des doutes sur cette synonymie dans son Catalogue de vente du Mus. de Berlin, et nous sommes pleine- ment de son avis. A l'appui de notre opinion, nous citerons la diagnose des différents auteurs.

Dès 1760, Brisson, avec l'exactitude qui lui est particulière , décrivait son petit pic de Cayenne {Picus cayennensis minor) , comme ayant 3 p. 3 1. de long, « le sommet de la tête rouge, » l'occiput noir, marqué de petits points blancs, ses côtés bruns » également marqués de petits points blancs, tout le dessus du » corps d'un gris tirant sur le roux , le dessous d'un blanc rous- » sâtre, avec les plumes bordées de brun , les rémiges primaires » d'un gris tirant sur le roux , les moyennes ayant leurs bords » d'un blanc roussâtre, la queue de dix pennes, dont les quatre » médianes brunes, les autres moitié brunes et blanc-roussatre » dans le sens de leur longueur, avec le bec, les pieds et les

Tome VIII. Année 1845. 1

2 REvuK zooLOGiQOE. {Janvier\8^5.)

» ongles gris. » Brisson ne citait aucune synonymie, mais ajoutait que cet individu avait été envoyé de Cayenne à M. de Réaumur. II est facile de reconnaître , par la description ci-dessus , que l'espèce de Brisson a vertex rouge , avec l'occiput noir pointillé de blanc (caractère commun aux mâles de presque toutes les espèces du genre) , n'offrait sur tout le reste de la partie supé- rieure qu'une teinte uniforme d'un gris roux , relevé seulement par les bordures blanc roussâtre des rémiges moyennes et d'une partie des rectrices , et n'était pas encore adulte, d'après la colo- ration des parties inférieures. Vingt-trois ans plus tard , en 1783, Buffon, dans ses pi. enl., décrivait , sous le nom de très-petit pic de Cayenne , et figurait dans sa pi. n" 786 , f. 1 , une espèce à laquelle il donnait pour synonyme le Picus cayennensis minor de Brisson , mais il la décrivait comme « ayant le cou et la poi- » trine ondes distinctement de zones noires et blanches , le dos » brun tacheté de gouttes blanches ombrées de noir , ces mêmes * taches beaucoup plus serrées et plus fines sur le beau noir du » haut du cou, la tête dorée comme celle du Roitelet, tout le » blanc du plumage étant couvert d'une ombre jaunâtre, surtout » vers la queue et jusque sur le brun des ailes et du dos. » Il y a visiblement dans ces deux descriptions des différences si notables que nous ne concevons pas que Buffon ait cité celle de Brisson et sa diagnose latine entière , comme synonyme de la sienne et de sa figure, qui représente l'oiseau tout couvert, en dessus, de taches blanc jaunâtre , ombrées de noir , conformes à sa des- cription. Nous ne doutons pas, d'après la disparité évidente des deux descriptions jointes à la figure de Buffon, que ces deux oi- seaux n'appartiennent à deux espèces distinctes, et le professeur Lichtenstein émet la même opinion dans son catal. des doubles du Mus. de Berlin 1823, p. 12. Cependant la plupart des auteurs, copiant la citation erronée de Buffon, n'ont fait qu'une espèce de ces deux oiseaux , les présentant de plus comme synonymes du Ficus minutus Lath., Yunx minutissimus L. Gmel. , tandis que l'espèce seule de Brisson devait être réunie à ceux-ci.

En 1823 , le professeur Lichtenstein , dans son catal. des dou- bles du Mus. de Berlin, p. 1 1 , indiquait déjà quatre espèces distinctes du genre Picumnus , qu'il signalait de la manière sui- vante :

Picus minutus Lat. , Pipra minuta Lin.— yunx minutis-

TRAVAUX INÉDITS. 3

Hma, Lui. , Gmel.— Pîcu« minutissimus P&Wàs— Charpentier nain Azara 2G0 (de Bahia). Il n'en donnait point la description, n'indiquant que la différence du rouge à la tête chez le mâle, et la présence d'une tache ferrugineuse sur la nuque des adultes des deux sexes.

Picus exilis , Licht. , è provincia San Paulo. «P. olivaceus , » Laete viridi indutus , subtus viridi-albo nigroque undulatus , » longit. 3 p. 1/2 statura prœcedentis sed rostrum pro mole bre- » vins , differentia sexualis eadem. »

P. Pigmœus , Licht. « P. fuscus, dorso et abdomine toto albo guttatis » , è Brasilia.

« Ad harum neutram icon Buffonii , le très-petit pic de » Cayenne, pi. enl. 786, f. 1 , referenda videtur , quartam exhi- » bens sj)eciejn. »

Temminck , dans ses pi. col. , après avoir formé le genre Pi- cumnus^ synonyme d'Jlsthenurus, Swainson, Piculus, Is. Geof., et avoir cité comme espèce type le Picus minutus Lat., et comme synonymes le très-petit pic de Cayenne, Buff. , pi. enl., et le Torcol de Cayenne , V»'. Gai. , pi. 28, lui donne le nom de Pi- cumne minule , Picumnus minutissimus , à tort, selon nous, cardes 1760,Brisson Pavait désigné sous le nom de Picus cayennensis minor ^ petit pic de Cayenne, nom spécifique qui doit d'autant plus lui être conservé , qu'outre qu'il est le plus an- cien , il exprime la localité , patrie de l'espèce, et que les noms de minutus , minutissimus , minute enfin , qui pouvaient lui convenir lorsqu'on le rangeait avec les Pics ou les Torcols, de- viennent insignifiants et inexacts du moment il devient le type du genre picumne, et il figure comme une des plus grandes espèces. Ce sera donc pour nous Picumnus cayennensis, Nob Picus cayennensis minor , Brisson. Temminck , après avoir cité cette espèce type , à laquelle il donne pour patrie la Guyanne française, décrit deux nouvelles espèces, la première sous le nom de Picumne à toupet {Picumnus cirratus) Temn., pi. col. 371 , f. 1 , différant de l'espèce type, selon l'auteur, par des dimensions un peu plus grandes , par un bec gros et fort d'un blanc bleuâtre à pointe noire , une touffe de longues plumes noires, terminées par une petite tache blanche sur l'occiput , un ^ris olivâtre, légèrement onde de brun et sans mouchetures sur ies parties supérieures, et deux petite* bandes en forme de

4 lucvDE zooLOGiQDE. {Jmivier 1845.)

taches roussatres pâles coupant l'aile , dont les secondaires sont lisérées de blanchâtre. Long. , à peu près 4 p. ïemminck rap- porte kcelte espèce le Charpenliernain deAzara, 260 comme Q^, et lui donne pour habitat le Brésil et le Paraguay. Il est évi- dent qu'ici Temminck n'a établi sa comparaison qu'avec l'espèce de Buffbn, qu'il regardait comme identique avec l'espèce type. Il décrit encore, et figure, même pi. f. 2, sous le nom de Picumne mignon (Picummts exilis) , une autre espèce voisine , mais différant de celle-ci par son bec plus petit , entièrement noir , sauf une tache blanche à la mandibule inférieure (caractère commun à la plupart des espèces) , par ses plumes courtes du sommet de la tête, par la teinte rousse du front , des lorum, des joues et de la nuque , par un peu de roussâtre à la gorge , et l'absence des deux petites bandes transversales sur l'aile. Du reste , le dessin de la queue et tout le dessous rayé de bandes transversales sont absolument les mêmes , et la couleur supé- rieure est d'un brun mêlé d'ocre , long. 3 p. 6 lig.

Temminck décrit et figure cette espèce sans rouge à la tête , et comme les cinq individus du Musée de Hollande avaient tous la tête noire piquetée de blanc sans rouge antérieurement, il sup- pose que , dans cette espèce , le mâle en est privé ; mais il en est autrement. Nous possédons les deux sexes de cette espèce, dont le mâle offre la même coloration rouge frontale que chez la plu- part des autres espèces. L'auteur cite comme synonyme de cette espèce le Picus exilis de Lichtenstein , cat. de vente, pi. Il, HP 80 , qu'il traduit par Picumne mignon. Nous en avons cité plus haut la diagnose de Lichtenstein ; ce rapprochement ne nous paraît pas exact , car en jetant les yeux sur la diagnoSe du P. exilis de Licht., qui est « P. olivaceus , lœte viridi indutus , » subtus viridi albo nigroque undulatus » , on est loin de re- trouver la couleur brun mêlé d'ocre , indiquée et figurée par Temminck et il n'est pas probable que le professeur Lichtenstein , qui dans ses courtes diagnoses avait néanmoins remarqué et in- diquée une tache ferrugineuse sur la nuque du P. mintitus adulte, n'eût pas signalé cette'teinte rousse ocreuse du front , du lorum, des joues et de la nuque , si remarquable chez l'espèce de Temminck.

Nous pensons donc qu'il y a erreur dans ce rapprochement, et qu'en laissant à l'espèce de Lichtenstein, décrite, antérieurement

TRAVAUX INKDITS. 9

le nomd''exUis , donné par cet auteur, celle décrite sous ce nom par Temminck , et reconnue comme distincte , doit en recevoir un autre.

Vieillot, plaçant comme Linné et Gmelin , les Picumnes avec les Torcols, décrivait, en 1819, dans le N. Dict. d'hist. nat., sous le nom de Torcol de Cayenne ( Funx minutissima, Gmel. Picus minutus , Lath.), enl. 786-1 , un oiseau parfaitement con- forme à celui de Brisson et de Latham , mais fort différent de l'espèce de Bufîon , qu'il citait à tort comme synonyme. Il décri- vait ensuite , sous le nom de Torcol du Paraguay (l%ria? minutus^ Vieillot), l'espèce décrite par Azara sous le nom de Charpentier nain, et que Temminck cite comme synonyme de son Picumne à toupet.

Nous avons décrit nous-méme , dans notre travail de collabo- ration avec M. A. d'Orbigny sur les Oiseaux de son voyage en Amérique , sous le nom de Ficumnus albo-squamatus , une espèce nouvelle , dont la diagnose est ci-après au n. 6.

De ces diverses observations sur l'inexactitude de plusieurs sy- nonymies de plusieurs auteurs , ainsi que de plusieurs noms don- nés à des espèces qui en avaient déjà, nous pensons que l'on peut déduire les raisonnements suivants :

L'espèce type du genre Picumnus de Temminck, qu'il indi- que lui-même comme étant le Picus minutus de Latham , le Yunx minutissima L. Gmel. étant réellement identique avec le Ficus cayennensis minor de Brisson, décrit dès 1760, et non avec l'espèce de Buffon, elle doit prendre le nom de Picus cayen- nensis, au lieu de celui de Picumnus minutissimus (Temminck), qui lui est de beaucoup postérieur , et le Picumne à Toupet de cet auteur nous paraît au contraire identique de description et de figure avec le vrai Picus minutus Lat. , Picus cayennensis minor Brisson.

L'espèce décrite et figurée par Buffon , PI. enl. 786 1, sous le nom de très-petit pic de Cayenne, et à laquelle cet auteur rap- portait à tort le Picus cayennensis minor de Brisson , comme l'ont fait depuis tous les auteurs qui l'ont copié , constituant une espèce distincte , doit changer de dénomination, et nous propo- sons de lui donner celle de Picumnus Buffonii.

LePiculus exilis de Temminck, PI. col. 371 2, que cet au- teur rapporte au Picus exHis de Lichtenstein, cat. des D. du M.

6 REVUE zooLOGiQDE. (Jauvier 1845.)

de B. P. 1 1 , paraissant au contraire une espèce distincte, d'après les différences marquées des deux descriptions jointes à la figure de Temminck , doit changer au moins de nom latin , et nous proposons de lui donner celui de Picumnus TemmincTiii N . Picumne Mignon Temn. ou Picumne du Paraguay (Torcol du Paraguay, Vieillot, N. Dict. d'hist. nat.).

Quoique les diverses descriptions que Vieillot a faites de son Torcol de Cayenne, Yunœ minutissimus, dans leN. Dict., dans sa Gai. du mus. , et dans l'Encyclopédie, soient parfaitement confor- mes à celle du Picus cayennensis minor de Brisson , nous n'o- sons citer à l'appui la figure qui l'accompagne dans sa Galerie, PI. 28; car d'après sa coloration olivâtre, les taches blanches qu'on aperçoit sur les couvertures alaires , elle semble repré- senter plutôt l'espèce de Buflbn que celle de Brisson. Du reste , l'irrégularité des bandes ventrales est une indication que l'indi- vidu n'était pas encore adulte.

Par suite de ces observations, nous pensons que l'on pourrait établir de la manière suivante la synonymie des espèces appar- tenant au genre Picumne de Temminck, ou au moins des huit espèces dont nous avons connaissance et dont nous possédons quatre , en ayant toutefois six sous les yeux.

G. Picumne , Picumnus, Temn. PI. col. Asthenurus Swainson, Piculus , Is., Ôeofî'. St-Hilaire.

I. Espèces colorées en dessus d'une teinte uniforme dans l'adulte et rayées transversalement en dessous de bandes de deux couleurs.

Picumnus cayennensis ^oh. Picus cayennensis minor Brisson, t. 4, p. 83 (1760), Picus minutus Latham, Yunx mi- nutissimaL. Gmél.— Yunx minutissima Vieillot, N. Dict. d'Hist. nat., id. Gai., texte (PI. 28 )? id. Encyc. Picumnus minutis- simus Temn. , PI. col. art. G. Picumnus et Picumne à toupet , Picus cirratus id. ibid. , col. 37 1 , f. 1 .

jP. Temminckii ^oh. Picumnus exilis Temn., col. 371 2. Picumne du Paraguay, Torcol du Paraguay Vieillot.

3*» P. exilis, Lichtenst., cat. desD. du M. de B. P. Il,no80, Picumnus Lichtetisteinii Nob.

II. Espèces tachetées en dessus dans Vétat adulte et rayées

transversalement en dessous. i* p. Buffonii ^oh,— Le très-petit pic de Cayenne ^ Bufl"» enl.

TRAVAUX INÉDITS. 7

78(i 1^ rapporté à tort par Buffon et la plupart des auteurs à l'espèce type , le Picus minulus Lat. , Vunx minutissimus L. Gmel., petit Pic de Cayenne Brisson.

m. Espèces tachetées en dessus et en dessous, 5" P. pygmœus Nob. Picus Pygmœus Licht. cat. d. D. du M. deB. P. 11 et 12.

IV. Espèces à teinte uniforme en dessus et non rayées trans- versalement en dessous.

6o P. albo-squamatus d'Orb. et de Lafr. Voy. en Amérique. PI. 64 f. 2. « Supra fusco-brunneus , pileo caudaque de moro » coloratis , tectricibus majoribus et minoribus aise remigibusque j> secundariis albo-rufescenlemarginatis , tectricibus mediis hoc » colore terminatis ; subtus sordide albo-rufescens , gutturis , B colli antici pectorisque pennis totis albis fusco circumdatis , » squames forraibus. »

7" P. olivaceus Nob. « P. supra fusco-olivaceus pileo caudaque » ut rite coloratis; alis fusco -ni gris , secundariis olivaceo-albes- » cente marginatis ; subtus , collo antico et pectore sordide et » pallide grisescentibus , gutture albido , pennis sœpius fusco » marginatis ; ventre et abdomine albido-flavescentibus, flammu- » lis fuscis striatis ; rostrum totum nigrum unicolor, pedes plum- » bei. Statura eadem ac in fere omnibus. Habit, ad Bogotam, » in Colombiâ. » mus. Masséna.)

8o P.cinnamomeus Nob. « P. totus rufo-cinnamomeus , alis » fusco-adumbratis, tectricibus rufo, remigibus griseo extus mar- » ginatis ; cauda de more colorata ; pileo nigro , punctis lineari- » bus flavo-sericeis maculisque nuchalibus albis et majoribus » notato; fronte sordide albescente, plumulis piliformibus rigi- » dissimis obtecto ; rostrum totum nigro -corneum. Habit, ut ve- » risimile in America. » ( È museo Masséna.)

Cette espèce, dont nous devons la communication ainsi que de la précédente à Tobligeance du prince d'Essling, est tout à fait remarquable dans le groupe des Picumnes américains , par sa teinte uniforme d'un roux vif qui rappelle le Picumne abnorme de rinde, et par ses plumes frontales piliformes, rigides et rele- vées comme chez certains Fourmiliers.

9** P. d' Orbignyanus Nob. « Parvulus , statura eadem ac in » P. Buffoni nob. , aut P. exiUs Licht., sed pictura P. cayen-

8 REVUE zooLOGiQUE. {Janvier i 8^5.)

y> neusis nob. Supra griseo-rufescens aliquot maculis pallidiori- » bus vix conspicuis, pileo higro, albo punctulato, uti inomni- » bus fteminis ; subtus collique lateribus albus plumis totis nigro » fimbriatis aut maculatis , uti in junioribus. »

Cette petite espèce faisant encore partie de la collection Mas- sëna, est , sans nul doute, un individu femelle en livrée de passage, et ne peut appartenir aux huit espèces précédentes d'après les comparaisons minutieuses que nous en avons faites. Comme elle provient du voyage d'Orbigny, nous supposions d'abord que ce pouvait être un jeune de son P. squamiger, mais outre qu'elle diffère beaucoup par la coloration , elle paraît plus petite que ce dernier d'après la figure 2 de la planche 4 , du Voyage.

Quoique le docteur Lichtenstein ait regardé l'espèce figurée par Buffon comme distincte de son P. exilis , tous deux étant d'un olive jaunâtre avec des bandes inférieures noires et blanches verdâtres, le croupion d'un jaunâtre plus vif , selon Buffon, nous serions bien tentés de croire , d'après les nombreuses livrées dif- férentes auxquelles sont soumises les espèces de ce genre, que le P.Buffonii, ordinairement couvert sur le dos de taches blanches jaunâtres ombrées de noir, ainsi que sur les couvertures alaires, en est dépourvu dans quelque livrée particulière qui serait alors celle de Y exilis de Lichtenstein. Cet auteur d'ailleurs ne dit rien de détaillé sur la coloration supérieure.

Chez les 8 ou 9 espèces que nous venons de signaler, excepté chez le P. cinnamomeus , il est bien remarquable que la colo- ration souvent fort différente chez quelques-unes , soit chez toutes entièrement semblable sur la tête , noire , ponctulée de blanc, avec le front rouge chez les mâles, et que celle de la queue soit également mi-partie noire et blanche chez toutes. Ce fait ne se rencontre peut-être dans aucun autre genre. Chez les Pics^ genre voisin , il n'y a pas cette uniformité entre les espèces. Chez notre P. cinnamomeus , si différent de coloration , la queue est toute semblable, et si la tête noire n'offre pas les petits points ronds et blancs des autres espèces , elle est toutefois couverte de petites taches anguleuses jaunes, mais blanches sur la nuque.

Le Picuscayennensis Nob., Picus cayennensis minor Brisson, l'espèce la plus grande et figurée par Temminck, est aussi l'espèce la plus commune au Brésil et à Cayenne. Elle nous a présenté les différentes livrées suivantes :

TRAVAUX INÉDITS. 0

Chez les individus que nous regardons comme adultes , le des- sus est d'une teinte à peu près uniforme gris-souris, sauf les bords plus clairs des rémiges secondaires, le dessous barré régulière- ment de noir et de blanc.

Chez d'autres , entièrement semblables du reste , le dessus est ondulé de brun noirâtre et de roux clair.

Chez d'autres , le dessus est visiblement tacheté de blanc rous- sâtre , et le dessous , au lieu de bandes régulières , présente de larges taches d'un blanc roussâtre bordées de noirâtre , comme écaillées.

D'autres enfin ont la coiffe noire ou noir-brun , sans taches blanches ou rouges. Ce dernier caractère, qui est sans nul doute une des livrées du jeune âge , puisque chez quelques-uns nous iavons aperçu une ou deux taches rouges ou blanches au milieu du noir, se retrouve encore chez le P. pygmœus deLichtenstein, et nous supposons qu'il en est de même pour les autres espèces.

Le Picumnus Buffonii Nob. , très petit Pic de Cayenne , Buff. enl., bien reconnaissable à sa teinte olive jaunâtre , à ses taches d'un blanc jaunâtre ombrées de noir sur le dos et les couvertures des ailes, en est quelquefois privé sur le dos, et présente alors en cette partie, et surtout vers le croupion, un jaune olive très-vif parsemé de taches noirâtres seulement. C'est peut-être dans cet état que Lichtenstein l'a décrit sous le nom d'Exilis. Tout nous porte à croire qu'en observant soigneusement la coloration des Picumnes , depuis celle du nid jusqu'à celle de l'adulte , on y re- connaîtrait quatre à cinq livrées diverses , ce qui en rend la dis- tinction des espèces fort difficile.

Chez les P. cayennensis Nob., Temminckii Nob., pygmœus Licht., Bufjfonii Nob., le bec paraît d'un noir bleu et blanchâtre vers sa base; chez le P. olivaceus Nob. et le P. cinnamomeus Nob., il paraît d'un noir bleu uniforme, mais on ne peut en juger que par conjectures sur des peaux desséchées.

Nous invitons les ornithologistes qui liront cet article à consi- gner dans un prochain numéro leurs propres observations , tant sur les espèces de Picumnes que nous avons citées, que sur celles qui nous sont inconnues et qu'ils pourraient connaître ou possé- der. Ce petit genre américain, beaucoup plus voisin des Pics que des Torcols , peut néanmoins être considéré comme un véritable groupe de transition des uns aux autres ; mais nous pensons ,

10 REVUE zooLOGiQDE. [Janvier 1845.)

comme Swainson, que le Picumne abnorme de Temn., pi. col. de l'ancien continent, ne peut leur être réuni , et constitue plus na- turellement un genre de transition dans la famille des Barbus , indiens comme lui.

Mélanges ornithologiques , par M. de Lafresnaye.

Sur le Fournier Rosalbin, Furnarius roseus Lesson , Illustrations

de zoologie.

En 1831, M. Lesson décrivit et fit figurer dans les lUustr. zool., sous le nom de Fournier rosalbin , Furnarius roseus , une espèce dont la description était très-exacte, mais dont la figure, quoique de M. Prêtre j donne réellement une fausse idée du bec de cet oiseau et a besoin de rectification sur la planche. Effectivement ce bec est très-grêle et assez sensiblement arqué dans le même sens , en dessous comme en dessus , depuis la moitié de sa longueur à peu près , comme chez les Souimangas et la plupart des Philédons , tandis que, dans la nature, il est de grosseur moyenne , droit , très-légèrement arqué vers la pointe en dessus seulement , et que , vers cette partie , la mandibule inférieure est légèrement retroussée comme chez les Merles et la plupart des Passereaux dentirostres. Nous pensons que cette inexactitude très-marquée de la figure dans la forme du bec provient plutôt du graveur que du dessinateur, connu depuis si longtemps par l'exactitude scrupuleuse de ses dessins en histoire naturelle. Sur la même planche toutes les parties de l'oiseau , colorées en rouge , telles que les lorum , la gorge , le devant du cou , le milieu de la poitrine et du ventre et les sous-caudales , au lieu d'être , comme dans la nature , du rose vif le plus pur, paraissent d'un rouge un peu briqueté , ce qui peut encore pro- venir de l'enlumineur.

M. Lesson donne pour patrie à cet oiseau le Brésil et le district peu connu de San- José. La Colombie , cette terre promise de l'ornithologie, paraît être sa vraie patrie, car nous en possédons trois qui en viennent , et sur ces trois individus , un nous a pré- senté une teinte d'un roux cannelle , partout exactement les deux autres sont roses. Il a , comme eux toutefois , une bande sourcillière blanche depuis l'œil seulement , les lorum étant roux. Nous ne doutons pas que cette coloration différente ne soit une livrée du jeune âge, d'autant plus qu'au milieu de ces plumes

ANALYSES d'oUVKAGES ISODVKAUX. 1 1

rousses , il se trouve çà et quelques petites mèches roses an- nonçant le commencement d'une nouvelle livrée de cette der- nière couleur.

Quant à la place plus ou moins naturelle de cet oiseau dans le genre Fournier, nous pensons qu'il est, sans nul doute, espèce de transition qui , malgré sa grande analogie avec les Fourniers, en diffère néanmoins par une coloration toute différente et l'ab- sence de bande transverse rousse sur les ailes, par un bec échan- cré à la pointe et beaucoup moins grêle , nullement infléchi comme chez eux, droit et tendu au contraire et paraissant lon- gicône, si on le regarde de profil; par des ailes plus courtes, plus obtuses et plus faibles , les tertiaires étant aussi longues que les primaires. Cette faiblesse apparente du système alaire, jointe à la force des pieds et du pouce , indiquent un oiseau essentiellement buissonnier et probablement marcheur.

II. ANALYSES D'OUVRAGES NOUVEAUX.

Revue critique des Oiseaux d'Europe, par le docteur H. Schle- GEL, conservateur du Musée des Pays-Bas à Leyde , etc. 1 vol. in-S», 1844. Leyde, (A. Arnz. Leipsik , Fr. Fleischer. Paris, Roret.)

Voici un ouvrage attendu avec impatience par les ornitholo- gistes , et qui leur sera indispensable comme résumant les con- naissances acquises en dernier lieu sur les Oiseaux d'Europe.

Il est dédié à M. Temminck, l'auteur de l'excellent Manuel d'Ornithologie qui a si bien éclairci l'histoire des oiseaux de cette partie du monde, et le livre que nous annonçons, écrit sous ses yeux et en partie avec les matériaux recueillie par le sa- vant directeur du Musée des Pays-Bas , forme , en quelque sorte , le cinquième volume, la suite et le complément du Manuel

Cette Revue est également destinée , comme nous le dit l'au- teur, à servir de catalogue raisonné , précédant le texte des Oi- seaux d'Europe , figurés à Darmstadt par M. Susemihl , texte dont la rédaction a été cédée à M. ïemminck. 11 est juste d'ajouter que M. Schlegel n'a publié qu'après avoir comparé un grand nombre d'oiseaux dans les principaux Musées nationaux et dans les collections, particulières et après avoir examiné les derniers puvrages sur la matière.

12 HKVUE ZOOLOGIQUE. [Janvier 1845.)

Le livre est divisé en deux parties; le texte à deux colonnes est en français d'une part, en allemand de l'autre. La première partie contient les espèces d'Oiseaux que M. Schlegel reconnaît pour européens. Il donne leur synonymie essentielle etleur habi- tat. On remarquera comme espèces nouvelles ou à peu près nouvelles pour l'Europe :

1 . Falco gyrfalco (distinct du Candicans, du Sacer et du La- narius) de Suède.

2. Falco lanarius Klein. Buffon (distinct du Sacer et du La- narius) de Dalmatie.

3. Falco sacer Buff. (Lanarius Tem.) de la Russie méridionale.

4. Astur gabar Daud. (Erythrorhynchos Sw,) d'Afrique et de Grèce.

5. Haliœtos vocifer Levaill. d''Afrique et de Grèce.

<i. Ficedula ambigua Schl. de Grèce. Voisine de V Hippolais.

7. Salicaria familiaris Ménétr. de Grèce, définitivement dis- tincte du S. galactodes.

8. Lusciola erythrogastra Guldenst. de Crimée , confondue avec la L. aurorea.

9. Turdus solitarius ff^ils. (T. minor Brehm) d'Amérique, pris une fois en Allemagne.

10. Coccothraustes caucasiens Guldenst. du Caucase.

1 1 . Emberiza pusilla Pall. De la Sibérie , pris une fois en Hollande.

12. Passer? pusillus Pall. du Caucase.

13. Tetraogallus caucasiens Pall. du Caucase.

14. Ardea bubulcus. Du nord de l'Afrique et du midi de l'Europe.

15. Puffînus fuliginosus Strickl., regardé jusqu'ici comme P. major femelle.

Je ne citerai pas beaucoup d'autres espèces qui n'ont pu être mentionnées dans le manuel de M. Temminck , mais qui ont été signalées depuis en Europe par MM. Keyzerling et Blasius et par M. Von der Miihle. Les naturalistes qui n'auraient pas connais- sance des ouvrages allemands de ces auteurs , trouveront le résu- mé de leurs découvertes dans celui de M. Schlegel. Il en est de même pour les Oiseaux signalés en Italie par le prince Charles Bonaparte dans sa Fauna Italica.

Le nombre des espèces d'Oiseaux est porté à 488 , non compris

ANAI.YSKS I)'()UVHA(;KS nouvkaux. 1 .'J

les suivantes qu'on a coutume d'admettre comme espèces , mais (fu'il ne présente qu'à titre de Races locales , en ajoutant une ({ualiBcation au nom spécifique :

1. Falço candicans Islandicus (F. islandicus Auct.).

2. Circus cmer acens pallidus {C. paWïdus S y kes).

3. Gypaetos barbalus meridionalis (G. méridionalis Kûst.).

4. Vulturfulvus occidentalis (\ . Kolbiï Tem.).

5. Strix noctua meridionalis (S. glaux Savigny).

fi. Hirundo rustica orientalis {H. Riocourii /^î'eîï/. H. Boisso- neauti Tem.).

7. Lusciola cyanecula orientalis (L. cœrulecula Pall. L. sue- cica L.).

8. Anthus pratensis rufigularis (A. rufigularis Tem.).

9. Motacilla alba lugubris (M. Yarrelli Bonap.).

10. Motacilla flava Rayi (M. flaveola Tem.).

1 1 . Motacilla flava cinereocapilla (M. cinereocapilla Savi.).

12. Motacilla flava me/anocepAa^a (M. melanocephala Zic/t^).

13. Corvus monedula nigra (G. spermologus Fieill.).

14. Garrulus glandarius me/anoc&p^a/t(5 (G. melanocephalus Gêné).

15. Sturnus vulgaris timcoior (S. unicolor Marmora).

16. Passer domesticus Cisalpinus (Fr. cisalpina Tem. F. ita- liae Fieill.).

17. Pyrrhula serinus /s;and/cws(Fr. islandica Faber).

18. Tetrao saliceti Scoticus (T. scoticus Auct,).

19. Tetrao lagopus Islandicus (T. Islandorum Faber).

20. Tringa cinclus minor (T. Schinzi Brehm).

21. Podiceps cornutus arcticus (P. arcticus\Èfo2e).

22. Uria troile leucophthalmos (U. ringvia Lrûnn. U. lacry- mans ^a^).

23. Vria gryWe Mandtii (U. Mandtii Licht.).

24. Cygnus olor im»mta6î7îs (G. immutabilis Yarrell).

25. Cygi^s musicus minor (G. Bewicki Yarrell).

26. Carbo graculus mediterraneus (G. Desmaresti Auct.).

27. Larus ridibundus mmor(L. capistratus Tem.).

28. Anas marila Americana (A. mariloides Yarrell).

Ce n'est certainement pas moi qui blâmerai M. Schlegel d'avoir appliqué cette innovation, que j'ai proposée en principe en 1842 dans l'avant- propos page YIl de la Faune Belge , et je suis heu-

14 REVUE ZO0I.OGIQUE. [Janviev 1845.)

reux de le voir entrer dans cette voie qui seule peut, selon moi , simplifier la question si difficile de l'espèce en zoologie, et j'ajou- terai que je suis d'accord avec lui sur la plupart des faits. Mais je regrette qu'il ne se soit pas toujours borné à ajouter au nom de l'espèce type celui sous lequel la race a été d'abord décrite et que sur 28 il en ait changé 10.

En fait de nomenclature , je pense qu'il faut respecter le droit de priorité dans toutes ses conséquences. Je constaterai d'ailleurs avec bonheur que M. Schlegel s'y est rallié pour tous les noms spécifiques (1) : ce droit de priorité est un terrain sur lequel tous les bons esprits devaient se rencontrer : soulever cette question c'était la résoudre , car c'est certainement faute d'avoir songé à l'anarchie scientifique produite par les noms divers donnés à la même espèce, que plusieurs naturalistes, recommandables d'ail- leurs , se sont laissé entraîner à admettre comme étant sans grande importance des changements de ce genre.

Les genres sont au nombre de 112, c'est dire qu'il a accepté la plupart de ceux que les progrès de la science rendent néces- saires. Il a indiqué en outre tous les démembrements proposés par les auteurs qui préfèrent une plus grande quantité de divi- sions génériques. Ils forment 49 familles et celles-ci 5 ordres. La série suivie est ecclectique , si je puis m'exprimer ainsi ; elle par- ticipe en partie de plusieurs méthodes sans ressembler exacte- ment à aucune. Je me permettrai toutefois (sans avoir l'espace nécessaire pour justifier mon dire) d'avancer que M. Schlegel , même à son point de vue , aurait peut-être transposer quel- ques genres pour perfectionner la série , diminuer le nombre des familles dans les Passereaux et , parmi les échassiers , subdi- viser celle des Hérons.

La seconde partie de l'ouvrage consiste en notes critiques sur les espèces nouvelles , sur celles qui ne sont que des races loca- les , gur les espèces douteuses , enfin sur les Oiseaux qu'il a exclus comme n'ayant pas été observés dans les limj^es géogra- phiques de l'Europe , ou bien comme n'existant point. Cette partie est de nature à intéresser au plus haut degré les Ornitho- logistes. J'ai remarqué particulièrement les articles étendus

(1) Il y a bien cinq ou six espèces pour lesquelles M. Schlegel n'a pas adopté le nom le plus ancien. Par exemple Sax. cachinnans.—Tetrao saliceti—Tringa platyrhyncha. Mais d'après le principe adopté partout ailleurs , je suppose que ces noms sont restés eu <qnelque sorte par inadvertance,

AIVAI.YSliS D OUVRAGES ÎMOUVKAUX. 15

sur les Faucons , sur les quatre espèces exotiques d'hirondelles , confondues souvent avec Y H. rufula d'Europe, sur les Emhe- riza fucala et pusilla, sur la Lusciola erythrogaslra, les Lanius tchagra et rufiis , le Ficedula amhigua , la Salica- ria caligata , le Falcinellus , genre fondé sur deux Oiseaux fabriques, les grands Hérons blancs d'Europe, l'Albatros, etc.

M. Schlegel écarte les espèces exotiques suivantes comme n'ayant été admises que par erreur parmi les Oiseaux d'Europe.

1 . De r Afrique tropicale ou méridionale : Falco concolor. Falco peregrinoïdes. Anser gambensis. Sula melanura.

2 De VAsie orientale : Salicaria certhiola. Lusciola aurorea. Motacilla lugens. Turdus Sibiricus. Cinclus Pallasii. Pyrrhula Sibirica.— Emberiza rutila.

3. De VAsie méridionale: Columbarisoria, Phasianuspictus. Ardea russata. Carbo graculus Tem. (C. sulcirostris ^rand<). Scolopax saturata.

4. De V Amérique boréale : Aquila leucocephala. Strix nebu- losa. Muscicapa ruticilla. Sylvia anthoides. Turdus rufus. Parus bicolor. Loxia leucoptera. Emberiza hyemalis. Ardea herodias. Anas sponsa. Larus argentatoïdes.

5. De V Amérique tropicale'. Ciconia americana (maguari). Carbo graculus Gould (C. brasiliensis Brandi).

Les espèces regardées comme non authentiques et à supprimer sont :

1. Ficedulia icterina Tem.( nec Vieillot). Le même que F. Trochilus.

2. Salicaria saliceti Naum. Livrée de noces de S, aquatica

3. Cinclus melanogaster Brehm. Variété de C. aquaticus.

5. Alauda Kollyi Tem. Variété d'A. brachydactyla.

6. Tetrao brachydactylus Tem. Tetrao saliceti très- vieux.

6. Limosa Meyeri Leisl. Limosa rufa. Un peu plus grande.

7. Scolopax peregrina Brehm. Pygmaea Baill. Lamotti. Baill. BrehmWKaup. Sont à peine des variétés de Se. Gai- linago.

8. Pelecanus minor. P. onocrotalus un peu plus petits.

Je terminerai ici ce compte rendu , déjà long, et dans lequel cependant je n'ai pu faire ressortir toutes les qualités que ren- ferme le livre excellent de M. Schlegel. Bientôt il sera dans les mains de tout le monde et l'examen en détail que chacun en fera

Î6 RFvuK /.ooLoc.ujVE. { Jonvier 1845. j

ne pourra qu'augmenter l'estime publique envers l'auteur ; car il est de ceux qui gagnent sans cesse à être connus.

(Edm. deSelys Longchamps.)

m. SOCIÉTÉS SAVANTES.

Académie royale des sciences de Paris.

Séance du & janvier 1845. M. Tavignot iàit part des résultats auxquels il est arrivé dans des expériences sur la greffe des cor- dons nerveux.

A l'occasion de cette communication , M. Flourens rappelle qu'il a publié, il y a déjà plusieurs années , des expériences sem- blables et; des résultats tout pareils. Ces faits sont consignés dans les Mémoires de V Académie des sciences, t. XIII, p. 14, et dans les Recherches expérimentales sur les fonctions du système nerveux , etc., p. 272 et suivantes.

Séance du 1 ^janvier. M. Gaudichaud présente un mémoire de M. Souleyet ayant pour titre : Observations anatomiques et physiologiques sur les genres Actéon , Éolide , Fénilie , Cal- liopée, TergipCj etc., et l'honorable académicien demande qu'il en soit donné lecture.

Nos confrères ont été tenus au courant de la discussion impor- tante qui a eu lieu, devant l'Académie des sciences, entre MM. de Quatrefages et Souleyet ; ils savent qu'elle porte sur les fondements même de la zoologie comme science , et que les idées de M. de Quatrefages, sentinelle perdue d'une école nouvelle ^ ne tendent à rien moins qu'à mettre en question certaines lois naturelles qui forment les vraies bases de la zoologie , telle que nous l'a laissée Cuyier. Un recueil qui a pris le nom de Cuvier pour titre, ne pouvait rester indifférent à une telle lutte sur une question toute Cuvierienne , et nous avons mis sous les yeux de nos lecteurs, avec impartialité et courage (car la question intéresse des personnes, autres que MM. de Quatrefages et Souleyet, qui sont très- vindicatives et très-influentes ) toutes les pièces du pro- cès; voici enfin le travail que M. Souleyet avait promis et qu'il n'a pu présenter plus tôt , à cause de deux candidatures ( chimie et zoologie) qui ont absorbé tout le temps de l'Académie, et d'une maladie très-grave dont ce jeune anatomiste est à peine conva- lescent.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 17

l)ans une note, en date du 12 août dernier, j'ai contesté Texaclitude de plusieurs faits énoncés par M. de Quatrefages sur l'organisation de certains Mollusques gastéropodes, faits sur les- quels ce naturaliste établit des théories qui me paraissent con- traires aux véritables principes de la zoologie. Je viens aujour- d'hui mettre sous les yeux de l'Académie des préparations anatomiques, des dessins et des descriptions qui ne laisseront, je l'espère, aucun doute sur la vérité de mes assertions.

Je ne suivrai pas ici M. de Quatrefages dans des considérations générales (1) qui finiraient par nous entraîner, malgré nous, dans les subtilités de la théorie On est trop exposé , en .suivant cette méthode , à discuter longtemps sans aborder les diftîcultés sérieuses du problème à résoudre; on peut même les éluder toujours. Mais il est une voie plus sûre , mieux tracée , et dans laquelle seulement nous pourrons fournir à l'Académie tous les éléments dont elle a besoin pour motiver le jugement qu'elle doit por-ter; c'est celle qui consiste à soumettre la lbéori« à l'épreuve de l'observation directe , à faire juger les principes par les faits qui leur servent de base.

11 ne s'agira donc ici que d'une question de faits, puisque , dans ce débat , la question de faits entraîne nécessairement avec elle la question de principes.

Cependant, comme M. de Quatrefages a été conduit, par ses observations sur les Mollusques qui font l'objet de cette discus- sion, à substituer à des principes généralement admis et recon- nus en zoologie d'autres principes tout à fait contraires , je crois devoir exposer ici en peu de mots les uns et les autres , pour que, en les mettant ensuite en présence des faits, on puisse juger plus facilement quels sont ceux de ces principes qui doivent prévaloir.

On peut considérer, je crois , comme un axiome en zoologie, que les diverses parties de l'organisation animale sont toujours entre elles dans une harmonie rigoureuse, dans une corrélation nécessaire (?) ; d'oVi il résulte qu'un organe ne peut se modifier

(1) Voir la réponse de M. de Quatrefages; Comptes rendiis dn ?t octobre 18»4, tome XIX, page 807.

(2) « Il est évident, dit Ciivier, que l"liarmouio convenable entre les organes qui agissent » les uns sur les autres ebt une condition nécessaire de l'existence de l'être auquel ils ap- partieunent , et que si une de ses fonctions était modifiée d'une manière Incompatible » avec les modiflcations des autres, coi être iie pourrait pas exister >■ { Anatomic com- parée , tome I, page M). )

Tome VIII. Année 1845. 2

18 RKVUK zooLOGK>uK. { Janvier iS^b . )

d'une manière notable , se dégrader^ sans que des modifications analogues , des dégradations correspondantes n'aient lieu dans tes autres, et, par conséquent , que la dégradation ne peut se faire que dans l'ensemble de l'organisation et non pas seulement dans quelques-unes de ses parties.

M. de Quatrefages n'admet pas cette conséquence du principe que je viens d'énoncer, et il pense que , dans un animal , cer- tains organes peuvent se modifier de la manière la plus profonde, sans que l'ensemble éprouve un changement notable; par exemple, qu'un mollusque gastéropode peut, en conservant extérieurement tous les traits caractéristiques des animaux de ce type . présenter intérieurement la simplicité d'organisation des derniers zoophytes.

On admet encore généralement, je crois , en zoologie, que certaines parties de l'organisation ont, sur presque toutes les autres, une prééminence telle, qu'elles entraînent toujours* dans les variations qu'elles subissent , ces modifications générales et déterminées qui ont servi de base aux grandes divisions du règne animal , désignées sous le nom de classes.

Or , tous les zoologistes qui, comme G. Cuvier , ont accordé une importance de cet ordre aux organes de la circulation et de la respiration , et qui l'ont caractérisée en désignant ces organes sous le nom d'organes dominateurs , seraient entière- ment dans l'erreur, d'après M. de Quatrefages; car les faits énoncés par ce naturaliste tendent à établir que , dans une fa- mille naturelle et même dans un genre (1), certaines espèces pourraient avoir des organes pour la respiration , un cœur, des artères, etc., tandis que d'autres espèces, placées à côté des précédentes , n'offriraient plus aucune trace des mêmes organes.

3** Enfin, je regarde également comme un principe généra- lement admis et reconnu en zoologie que des animaux , sembla- bles par l'ensemble de leurs caractères extérieurs , ne peuvent pas différer d'une manière notable, radicale , dans leur organi- sation intérieure.

Ce principe, qui n'est qu'un corollaire des précédents, et qui sert de base, on peut le dire, à la classification des corps orga- nisés , ne serait cependant encore qu'une troisième erreur aux

(1) Quelques-uns des Mollusques décrits par M. de Quatrefages sous des noms génériques nouveaux doivent rentrer dans les genres connus , ainsi que je crois l'établir dans mon

Mémoire.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 1^

yeux de M. de Quatrefages. Ce naturaliste croit, en eiîct, que, dans une infinité de cas y la forme extérieure et Vorgammlion intérieure sont tout à fait indépendantes Vune de Vautre (1); que des animaux entièrement analogues extérieurement peuvent cacher, sous cette identité de formes, des différences organi- ques si considérables que , dans la classe des Gastéropodes par exemple , les espèces appartenant à un ordre , et même à une famille naturelle, pourraient offrir toute la série de dégrada- tions qui séparent ces Mollusques des derniers zoophytes.

Ainsi, M. de Quatrefages soutient que des mollusques gastéro- podes , que tous les zoologistes ont considérés ou auraient cou- sidérés comme tels, et qui ont, en effet, tous les caractères extérieurs des animaux de ce type , en différeraient cependant d'une manière si radicale par leurs caractères anatomiques , qu'il faudrait les exclure sous ce rapport , non-seulement de la classe des Gastéropodes , mais encore de V embranchement des Mollusques (2). Ce naturaliste affirme que les Actéons et d'au- tres Gastéropodes classés jusqu'à présent parmi les Nudibranches, au lieu d'offrir , comme tous les autres Mollusques leurs sem- blables , des branchies , un cœur, des artères , des veines , ne présenteraient plus aucune trace de ces organes qui seraient remplacés dans leurs fonctions par le tube digestif, dégradation organique qui n'avait été observée, jusqu'à ce jour, que dans les derniers animaux de la série, par exemple chez les Médu- ses. Enfin, la simplification organique serait poussée, pour ainsi dire, jusquà ses dernières limites dans ces Mollusques , puisque M. de Quatrefages est très-porté à croire que^ chez quelques-uns, l appareil digestif ne serait plus qu'aune cavité à une seule ouverture et que les résidus de la digestion seraient rejetés par la bouche (3).

Le seul énoncé de ces faits me semble démontrer suffisamment qu'ils sont en opposition avec toutes les notions acquises sur l'organisation des Mollusques ; M. de Quatrefages le reconnaît du reste lui-même (4), et, puisqu'à tous les faits connus, ce naturaliste oppose ainsi des observations qui ne conduiraient à

(1) Voir \& réponse de M. de Quali-efages ; éomples rendus , tome XIX , page 808.

(2) Mémoire sur les Gastéropodes phlébentérés ; Annales des Sciences naturelles, 3' sé- rie , tome I, page 168.

(3) Mémoire sur les Gastéropodes plilébenlérés ; pages 148, 149 et 173. ^4) Comptes rendus ,- tome XIX , page 809.

'20 RKVUE ïooLor.igDF.. ( Janvier 1845.)

lien moins qu'au renversement de tous les principes admis , il faut croire sans doute que ces observations reposent sur des preuves assez nombreuses et assez positives pour ne laisser au- cun doute sur leur exactitude : c'est ce que je dois donc d'abord examiner ici

I. D'après M. de Quatrefages, les organes de la circulation disparaîtraient complètement chez les Actéons , et dans cinq autres genres de Mollusques gastéropodes que ce naturaliste a décrits sous les noms de Zéphyrine , d'Actéonie , d'Amphorine , de Pavois et de Chalide. Or, voici les preuves données à l'appui de ce fait :

r Dans les Zéphyrines , après une description fort succincte de ce genre, après avoir reconnu que plusieurs détails lui ont échappé et qu'il n'a pas une certitude entière relativement à d'autres, ce naturaliste s'exprime ainsi au sujet des organes de la circulation : « Je n'ai riea vu dans la Zéphyrine qui pût être » considéré comme représentant l'appareil circulatoire. Je n'y w ai distingué ni cœur, ni artères, ni veines, quelque soin que » j'aie mis à les chercher. Si ce fait était isolé , je pourrais » croire que Vopacité des parties a dérobé ces organes à mes » recherches ; mais nous le verrons se reproduire dans d'au- » très Mollusques voisins qui laissaient peu à désirer sous le » rapport de la transparence. Je crois donc pouvoir affirmer » que Vappareil circulatoire manque ici totalement (1). »

Ainsi, pour ce premier genre , M. de Quatrefages reconnaît que l opacité des parties peut avoir dérobé les organes de la circulation à ses recherches , et il n'est conduit à nier l'existence de ces mêmes organes que <\^aprés les preuves plus certaines qui doivent se produire dans les genres suivants.

Dans les Actéons , qui viennent après les Zéphyrines, M. de Quatrefages ne s'exprime cependant pas sur ce point d'une ma- nière plus positive ; car, après une description également fort in- complète de ces Mollusques , il dit encore : a Vopacité des parois » du corps m'a empêché de porter plus loin ces observations : V toutefois je crois être certain qu'il n'existe chez les Actéons ni » cœur, ni vaisseaux , ni oi ganes respiratoires proprement » dits (2). »

(1) Mémoire sur les Gnsléropode» phléberilérés ; page 136.

(2) Loc. cit.. page 142.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 21

Dans les Amphorines , M. de Quatrefages ne parle plus des organes de la circulation que d'une manière tout à fait accessoire, à propos du système nerveux , et il se borne à dire qu'iV n'en a trouvé aucune trace, sans entrer dans des explications plus satis- faisantes à ce sujet (1).

4" filnfin , ce naturaliste ne fait même plus mention de ces organes dans les trois autres genres, c'est-à-dire dans les Actéo- nies, les Pavois et les Chalides (2).

M. de Quatrefages affirme donc que cet appareil manque chez les Zéphyrines et les Actéons, d'après des observations qu'il donne lui-même comme incomplètes, douteuses, et qui ne peu- vent que l'être, puisqu'il résulte des citations ci-dessus , qu'elles ont été faites sur des animaux opaques observés par transpa- rence (3).

Il affirme que le même appareil manque chez les Amphorines, d'après des observations qui ne peuvent offrir plus de certitude, puisqu'elles n'ont été faites que sur un seul individu^ de taille microscopique (4).

Quant aux observations relatives aux Actéonies , aux Pavois et aux Chalides, on doit conclure du silence que M. de Quatrefages garde au sujet des organes qui nous occupent, qu'elles ne sont ni plus complètes ni plus certaines que les précédentes.

En définitive , ce naturaliste paraît donc nier les organes de la circulation dans les Mollusques gastéropodes , non pas parce qu'il se serait assuré d'un fait aussi exceptionnel d'une manière directe et positive, mais seulement parce que, chez des animaux de ce type qu'il n'a pu étudier la plupart que d'une manière fort incomplète , il n'aurait pas reconnu l'existence de ces mêmes organes.

Les faits que je mets sous les yeux de l'Académie prouvent, en effet :

Que l'appareil circulatoire existe complètement chez les

(1) Loc. cit., page ISO.

(5) Loc. cit., pages 144, 153 et 185.

(3) M. de Quatrefages a reconnu lui-même riuexactUude de ses observations sur tes Zéphyrines , depuis l'apparition de ma Note . puisqu'il dit dans sa réponse ne plus com- prendre ces Mollusques daiis sou ordre des Phlébenlérés. ( Comptes rendus , tome XIX , page 814.)

(4) Loc. cit., page H6. (L'individu obserTé par M. de Quatrefages n'avait guère plus de i millimètre de longueur ).

22 REVUE zooLOGiQOE. {Janvier 1845.)

Zéphyrines ou Vénilies (1), et que ces Mollusques ne diffèrent pas, sous ce rapport, des Éolides;

Que cet appareil existe aussi , d'une manière complète , chez les Actéons ; d'où il faut conclure qu'il en est de même chez les Acte'onies, si, comme le dit M. de Quatrefages, ces Mollus- ques ne diffèrent pas des Actéons par leur structure anato- mique{2).

Que les organes de la circulation existent également chez les Tergipes, Mollusques qui ne me paraissent pas différer des Amphorines, ainsi que j'ai cherché à l'établir dans mon mé- moire ;

Enfin , que ces organes existent encore dans un Mollusque gastéropode que j'ai pu me procurer depuis ma première commu- nication à l'Académie , et qui m'a offert les plus grands rapports avec les genres Pavois et Chalide.

Les faits que je mets sous les yeux de l'Académie démontrent encore l'existence de l'appareil circulatoire chez les Cavolines , les Calliopées et les G laucus , genres de Mollusques que M. de Quatrefages n'a , du reste , pas observés , et n'a rapportés à son ordre des Phlébentérés que par analogie (3).

Je puis de plus ajouter ici que mes observations sur ces Mollus- ques s'accordent avec celles de plusieurs autres naturalistes. Ainsi , MM. Aider et Hancock ont signalé le cœur chez les Véni- lies (4) ; MM. Cantraine , Quoy et Gaymard ont bien reconnu cet organe chez les Actéons (5) ; M. de Blainvillel'a décrit chez les Glaucus (6) ; enfin , M. Vérany, qui s'occupe depuis longtemps de l'étude des Mollusques, et dont les observations offrent un degré de précision assez rare dans cette partie de la zoologie, M. Vérany a même compté les pulsations du cœur dans la plupart des genres

(1) M. de Quatrefages a rapporté le genre qu'il avait établi sous le nom de Zéphirine, au genre Vénilie de MM. Halder et Hancock ; mais il me paraît beaucoup plus probable que le Mollusque décrit sous ce nom par ce naturaliste n'était autre chose qu'une Éolide , car le seul caractère qui distingue nettement les Vénilies des Éolides , la position de l'anus , n'est donné que d'une manière extrêmement douteuse dans les Zéphyrines , et l'on peut même dire que la place que M. de Quatrefages assigne à cet orifice , au-dessus du pied, ne serait pas possible.

(2) M. do Quatrefages n'a pu observer que d'une manière fort incomplète les Actéonies, et il se borne presque à dire que la structure anatomique de ces Mollusques lui a paru entièrement semblable à celle des Actéons. Il faut donc croire que c'est seulement d'après celte analogie présumée que ce naturaliste nie les organes de la circulation dans les Ac- téonies.

(3) Le genre Cavoline , fort mal déHni par les auteurs, doit être réuni au genre Eolide.

(4) Annal, and Magaz. ofnat. htst., tomexill, page 163.

(5) malacologie méditerranéenne, page fi». Voyage de l'Astrolabe, tome II. page 317, (fi) Dictionnaire des Sciences nalureUcs . tome XIX, page 36.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 23

que je viens de citer , et dans des communications que ce natu- raliste a bien voulu m'adresser, je trouve que le nonibre de ces pulsations est de quarante- cinq à cinquante par minute chez les Vënilies, les Calliopées, les Tergipes et les Actëons ou Élisies, comme chez les Éolides.

Ainsi les assertions de M. de Quatrefages , sur l'absence des or- ganes de la circulation dans les Mollusques prétendus phlében- iérés^ se trouvent détruites par des observations plus complètes et plus exactes faites sur ces mêmes Mollusques.

Mais depuis , M. de Quatrefages dit avoir constaté le même fait (l'absence de l'appareil circulatoire) chez plusieurs autres Gasté- ropodes du même groupe. Dans sa lettre, écrite de Messine, ce naturaliste annonce que, dans vingt et une espèces étudiées par lui dans les plus grands détails, il a pu s'assurer que cet appa- reil n'^eœislait pas, même à Vélat rudiment aire , dans le plus grand nombre (1). On trouve même , dans cetle communication, une assertion tout à fait nouvelle, celle de l'existence, dans quelques espèces, d'mi cœur seulement, sans artères ni veines, disposition qui se rapprocherait, par conséquent, de celle que présentent les organes circulatoires chez les insectes. Mais M. de Quatrefages s'étant borné jusqu'à présent à signaler ces faits d'une manière générale , sans faire connaître les Mollusques sur les- quels il les a observés, on comprendra qu'il ne m'est pas pos- sible d'opposer ici à ces nouvelles observations mes observations particulières. J'espère donc que ce naturaliste ne tardera pas à les publier plus complètement , et qu'il s'empressera surtout de mettre sous les yeux de l'Académie ces nouveaux faits qui parais- sent l'avoir convaincu de Vabsence complète du système vascu- laire dans ces Mollusques (2).

II. Je passe à une autre assertion de M, de Quatrefages , Vab- sence de veines, dans des Mollusques qui auraient un coeur et des artères. En effet, dans la théorie que propose ce naturaliste, Tappareil de la circulation ne disparaîtrait pas brusquement dans les Mollusques prétendus phlébentérés , mais cet appareil présenterait une dégradation progressive qui commencerait par le système veineux, et c'est ce genre de dégradation qui aurait lieu chez les Éolides.

Cl) Comptes rendus , tome XIX . pages 190 , isi et 19!. (2) Comptes rendus , tome XIX , pagre 8i;.

2% REVDE ZOOLOGIQUE. { Jativiev \ 8^5 )

J'ai déjà fait remarquer, dans ma note , qu'en niant le sys- tème veineux dans des Mollusques qui ont un cœur et des artères, M. de Quatrefages était conduit à admettre, pour expliquer la circulation, que le sang passait des extrémités artérielles dans la cavité abdominale et de dans le ventricule (1) , hypothèse qui est contraire aux notions les plus élémentaires de la phy- siologie; mais il est de plus très-facile de prouver qu'elle est en- tièrement erronée. 11 suffît, en effet, d'ouvrir une Éolide par la face inférieure ou par le pied pour s'assurer que , chez ces Mol- lusques, le cœur est disposé comme chez les autres Nudibranches, c'est-à-dire que ta communication de cet organe avec la cavité viscérale , communication décrite et figurée par M. de Quatre- fages (2) , et sur laquelle repose toute sa théorie, n'existe en aucune manière. On peut se convaincre de ce fait plus directe- ment encore, en injectant, comme je l'ai déjà indiqué , l'oreil- lette par le ventricule; on voit alors le liquide injecté passer de l'oreillette, non point dans la cavité viscérale, mais dans trois grands vaisseaux, l'un postérieur et médian , les deux autres antérieurs et latéraux, vaisseaux auxquels vient aboutir tout le système veineux des branchies Ces détails , que l'on voit dis- tinctement sur les dessins et sur les préparations anatomiques que je soumets à l'Académie, mettent donc hors de doute l'exis- tence d'un système veineux branchial chez les Éolides.

Il n'est également pas très-diffîcile de démontrer la présence du système veineux général chez ces Mollusques. Dans lesgrandes espèces d'Eolides, en effet, on peut isoler les veines qui se por- tent, comme chez les autres Nudibranches, des organes intérieurs vers la peau pour se rendre aux branchies. Parmi ces veines, on en distingue surtout deux assez considérables qui rapportent le sang de la masse buccale et qu'on peut considérer comme les sa- tellites de l'aorte antérieure, ce que montrent encore mes des- sins et mes préparations anatomiques.

Du reste, dans de nouvelles observations faites depiti s Vappa- rition de ma note , M. de Quatrefages me paraît avoir reconnu lui-même une partie de la vérité sur ce point de la discussion, puisqu'il dit avoir vu, sur des individus parfaitement transpa- rents , les globules du sang arriver en arriére du cœur, dans

(1) Mémoire sur rÉolidiue ; An. des Se. nat., 2" série , tome MV, page 29*.

(2) J.of„ cit., page 290 , PL XI, fig. 3.

* SOCIÉTÉS SAVANTES. 25

un grand sinus médio- dorsal. Seulement , ce naturalisle com- met encore l'erreur de faire communiquer ce sinus avec la cavité viscérale (1 j. Je suis convaincu que si M. de Quatrefages eût em- ployé, comme je l'ai fait, la dissection et les injections, au lieu d'étudier seulement ces animaux par transparence, il eût très- bien reconnu la véritable disposilion de ce sinus ou vaisseau médio-dorsal , car on peut l'injecter, l'ouvrir dans toute sa lon- gueur et reconnaître très-distinctement les nombreux orifices des veines branchiales qui s'y rendent.

Mieux éclairé, sans doute, par ces nouvelles observations, M. de Quatrefages veut bien même faire des concessions à ce su- jet : après avoir nié, d'une manière absolue, le système veineux chez les Éolides , ce naturaliste croit devoir faire une réserve importante pour Vappareil vasculaire hranchio cardiaque qu'il comprend très-bien pouvoir exister dans ces Mollusques (2). Je ne doute donc point qu'après une nouvelle étude de ces ani- maux , M. de Quatrefages ne finisse par reconnaître la vérité tout entière, c'est-à-dire que les Eolides ne diffèrent pas, sous le rap- port du système veineux, des autres Nudibranches et de tous les autres Mollusques (3).

m. Après avoir démontré que les organes delà circulation existent dans les Mollusques prétendus phlébentérés , comme dans tous les autres animaux du même type , je pourrais peut- être me dispenser de poursuivre cette démonstration pour les organes de la respiration , puisque la disparition de ces derniers ne serait qu'une conséquence de celle des premiers, d'après les

(1) Comptes rendus, tome XIX, page 8t4.

(2) Comptes rendus, tome XIX, page 8lS.

(3) Je crois devoir rappeler de nouveau ici que l'erreur commise par M. de Quatrefages. en niant le système veineux dans des Mollusques gastéropodes, provient probablement de l'idée inexacte que ce naturaliste s'est faite de cette partie de l'appareil circulatoire chez les animaux de ce type. M. de Quatrefages parait croire que le système veineux se présente toujours sous la forme de vaisseaux bien distincts, tandis qu'il n'en est généra- lement pas ainsi. En effet, dans presque tous les Mollusques et dans les Nudibranebes en particulier, les veines n'ont celle forme que dans les principaux troncs qui rapportent le sang des viscères ou qui se rendent aux organes respiratoires; les autres vaisseaux vei- neux sont plutôt des canaux creusés dans l'épaisseur ou dans l'interstice des organes , en un mot, des trajets veineux que des vaisseaux proprement dits, particularité qui n été bien reconnue par les anatomistes qui se sont occupés des Mollusques , et surtout par M. de Blainville {Voir le Traité de Malacologie, page 130). La distinction que l'on a voulu établir sous ce rapport entre les Mollusques et les Crustacés n'est donc pas fondée uar celte forme du système veineux parait être un fait général chez les animaux infé- rieurs ; on la retrouve même chez les animaux supérieurs dans l'épaisseur des organe» et des parenchymes , et l'embryogénie nous démontre encore que c'est la forme pri- mitive du sy^icmc vasculaire, forme qui serait transitoire dans les uns, tandis qu'elle deviendrait permanente chez d'autres animaux placés plu."» bo;- dam la série zooiogique.

26 RKVUK ZOO LOGIQUE. (Janvief 1845.)

idées théoriques de M. de Quatrefages ; je vais cependant entrer dans quelques détails à ce sujet.

.l'ai déjà dit , dans ma note , que ces organes étaient bien réel- lement représentés par les appendices dorsaux chez les Éolides et dans tous les autres genres qui appartiennent à la même fa- mille. On peut s'en assurer en injectant le système veineux bran- chial et en étudiant , par des coupes transversales, la structure de ces appendices. Si l'on emploie ces moyens sur les grandes espèces , sur l'Éolide de Cuvier par exemple, on reconnaît faci- lement qu'il existe, à la surface de ces espèces de cirrhes, un réseau vasculaire émanant de deux troncs principaux qui régnent sur les côtés et dans toute leur longueur, et que l'on doit consi- dérer comme appartenant aux divisions de l'artère et de la veine branchiales (1) ; c'est ce que mettent encore en évidence les pré- parations que je présente à l'académie.

Quant aux Actéons qui ne peuvent, sous ce rapport, comme sous presque tous les autres , être rapprochés des Éolides , je ferai voir bientôt aussi qu'ils sont pourvus également d'un appareil respiratoire complet, tout à fait analogue à celui de certains au- tres Mollusques.

IV. Je viens de prouver que , contrairement aux assertions de M. de Quatrefages , les organes de la circulation et de la respira- tion existent dans les Mollusques prétendus phlébentérés ; il me reste à faire voir, comme conséquence nécessaire , que ces fonc- tions ne peuvent être dévolues à d'autres organes chez ces. Mollusques , ainsi que le prétend ce naturaliste.

En admettant , en effet , la disparition des appareils circula- toire et respiratoire dans les Mollusques gastéropodes, M. de Quatrefages en trouve la raison dans l'existence , chez ces Mollus- ques , d'un appareil gastro-vasculaire , c'est-à-dire d'un appa- reil vasculaire émané de l'estomac et qui servirait à la fois , comme chez les Méduses , à soumettre au contact de l'air et à porter dans les diverses parties du corps les fluides élaborés par cet organe. Ainsi , pour me servir des expressions mêmes de ce naturaliste , la fonction de la digestion se confondrait ici avec celles de la respiration et de la circulation (1) , genre de dégra-

(1) La disposition de ces vaisseaux paraît être cependant un peu variable suivant les espèces ; ainsi, dans une espèce que j'ai recueillie dans les mers de la Chine, les appen- dices branchiaux présentent une dilatation membraneuse qui paraît être le siège principal de la respiration.

(1) Compte» rendus, tome XIX, page 19;?

SOCIÉTÉS SAVANTES. 27

dation qui n'avait été observé jusqu'à ce jour, et qu'on n'avait cru possible que dans les derniers animaux de la série.

Mais une objection se présente immédiatement à cette théo- rie , c'est que cet appareil gastro-vasculaire qui formerait le caractère essentiel^ dominateur des phlébentérés {\ , n'existe pourtant pas dans tous ces Mollusques ; et même, par une contra- diction frappante que j'ai déjà signalée , cet appareil manquerait précisément dans des phlébentérés qui n'offrent plus , d'après M. de Quatrefages , aucune trace des organes de la circulation et de la respiration, c'est-à-dire des organes qu'il devrait suppléer dans leurs fonctions , tandis que le même appareil atteindrait , au contraire , son plus haut degré de développement dans ceux de ces Mollusques qui ont encore un cœur, un système artériel complet, et des organes spéciaux pour les fonctions respira- toires (2).

La théorie proposée par M. de Quatrefages est donc fausse au point de vue logique ou en principe ; il me sera facile de faire voir, en outre , qu'elle n'est pas plus vraie en fait . c'est-à-dire qu'il est impossible d'expliquer comment les fonctions de la res- piration et de la circulation pourraient être exécutées par ce pré- tendu appareil gastro-vasculaire.

Pour la circulation , il est évident que l'appareil chargé de cette fonction ne pourrait être remplacé que par un appareil dis- posé d'une manière analogue , c'est-à-dire pouvant porter dans toutes les parties du corps les matières nutritives, comme cela a iieu chez les Méduses. Mais en est-il de même chez les prétendus phlébentérés , et peut-on considérer comme un appareil gastro- vasculaire ^ d'après le sens que M. de Quatrefages attache à ce mot , un système de canaux qui , de V estomac vont seulement dans le foie, et se trouvent même entièrement contenus dans V épaisseur decet organe chez quelques-uns de ces Mollusques i3)? Une pareille supposition est bien évidemment inadmissible.

Du reste , M. de Quatrefages paraît avoir reconnu lui-même

(1) Comptes rendus, t. XIX, p. 192.

(S) On peut s'assurer, en outre, dans le Mémoire même de M. de Quatrefages, que chez ces Mollusques (les Éolides) le prétendu appareil gastro-vasculatre est tout à fait étranger aux fonctions de la circulation et de la respiration. (Voir le Mémoire sur lEolidinn.)

(3) Voir les dessins de M. de Quatrefages. Il n'est question ici , et dans la suite de ce paragraphe , que des Éolides et des autres genres de la même famille , les genres PaTois et Chalidè n'ayant pas d'appareil gastro-vasculaire , et M. de Quatrefages ayant pris pour tet appareil , chez, los Aciéons , le véritable appareil respiratoire.

28 RKVDK zooi,oGiQUE. (Janvier 1845.)

combien sa théorie était ici en défaut , puisqu'il répond à mes objections sur ce point en citant les Entomostracés , les Acariens, les Escharres, les Flustres, etc., et ajoutant qu'en présence de tous ces animaux qui n'offrent plus aucune trace d appareil vas- culaire , Vahsence de veines , de cœur et d'artères chez quelques Gastéropodes n'a plus rien d^ étrange que d'être signalée pour la première fois (l . D'où il faut conclure qu'après avoir cherché, avec raison sans doute , mais inutilement , à expliquer l'absence des organes de la circulation chez les phlébentérés ^ ce natura- liste en est venu à croire que cette explication n'est plus même nécessaire ; mais seulement , comme dans les exemples cités par M. de Quatrefages, savoir : les Escharres, les Flustres,etc., l'ab- sence d'un appareil circulatoire est le fait normal , en rapport avec tout le reste de l'organisation , tandis que c'est tout le con- traire chez des Mollusques gastéropodes , le mode de raisonne- ment employé ici par ce naturaliste revient à dire , en l'interpré- tant logiquement, que les organes de la circulation pourraient bien disparaître chez des animaux supérieurs , puisqu'on trouve, dans les derniers degrés de la série zoologique , des animaux , tels que lesEscharresetlesFlustres,quin'enofrrentplusde traces.

Il est tout aussi difficile d'expliquer comment ce prétendu appareil gastro-vasculaire pourrait servir à la respiration chez les Mollusques phlébentérés ; mais, avant de cherchera le dé- montrer, je dois entrer ici dans quelques détails préliminaires. En effet, d'après M. de Quatrefages, je n'aurais pas bien saisi le sens de ce qu'ail a dit relativement à la respiration chez ces phlébentérés 2 , et comme ce naturaliste n'a cependant pas jugé à propos d'expliquer sa manière de voir sur ce point important de la discussion, je me trouve obligé de suppléer à son silence sur ce sujet.

Dans son premier Mémoire relatif à l'Éolidine , Mollusque chez lequel V appareil gastro-vasculaire atteindrait son plus haut degré de développement (3), M. de Quatrefages ne fait cependant jouer aucun rôle à ce même appareil dans l'acte de la respira- tion , puisque cette fonction s'exécuterait dans les appendices dorsaux, à travers la peau de ces appendices.

(1) Complet rendus, t. XIX, p. 815.

(2) Comptes rendus, t. XIX , p. 815.

(3) Rapport (le M. Milne Edwards : Annales des Sciences naturelles, 3* série, t. F. p. 16.

SOClÉriÉS SAVA.MKS. 29

Plus laid, dans U-s Comptes rendus de la Société philouinlique, M. de Qnaliefages exprime une autre opinion à ce sujet; ce n'est plus la peau seulement qui est le siège de la respiration . mais , pour me servir des expressions mêmes de ce naturaliste, les or* ganes chargés de cette fonction sont formés par deux poches con- centriques appartenant l'une au tube digestif, Vautre au système tégumentaire{\).

Dans son Mémoire sur les Mollusques phlébentéréSyM.àe Qua- trefages émet encore une opinion différente ; ce n'est plus dans ces deux poches concentriques formées par la peau et par Vin- testin (\\xQse fait la respiration, ma\s cette fonction semble en- tièrement dévolue au tube digestif âans la plupart de ces Mol- lusques (les Éolides, les Zéphyrines, les Actéons, les Actéoniesj, tandis quechezquelquesautres (les Pavois etlesChalidesi, lapeau seule en resterait chargée (2).

Enfin , après de nouvelles recherches, M. de Quatrefages donne une quatrième opinion et dépossède tout à fait la peau des fonc- tions respiratoires pour en charger exclusivement le tube diges- tif (3), opinion que l'on doit considérer comme celle à laquelle s'est arrêté définitivement ce naturaliste et qui est la seule qui s'accorde en effet avec sa théorie.

Mais de quelle manière M. de Quatrefages explique-t-il la fonc- tion de la respiration ainsi transportée dans le tube digestif? Je ne puis mieux faire encore ici que de laisser parler ce naturaliste lui-même : « Les organes respiratoires, dit-il , sont suppléés par » un tube intestinal qui n'est plus chargé seulement d'extraire » des aliments un chyle propre à enrichir le sang appauvri, mais » qui doit en outre faire subir au produit de la digestion un de- » gré de plus de préparation et le soumettre immédiatement au » contact de Vair (4) » La même opinion se trouve reproduite dans le Rapport fait sur les travaux de M. de Quatrefages: on lit en effet dans ce rapport que « la nature supplée , chez ces Mol- » lusques, à l'absence des vaisseaux branchiaux , en introduisant » dans l'économie une combinaison organique que, jusqu'en ces » derniers temps, l'on croyait appartenir exclusivement auxMé » duses et à divers Helminthes. En effet, la cavité digestive

(1) Journal Vlnstilut, I8ii. p 33.

(2) Mémoire sur les Gastéropodes phlébeiilérés , pages 167 et 168. ^

(3) Comptes rendus, tome XIX, pa^o 192. *

(4) Mémoire sur les Gastéropodes phicbentérés , paçe 167.

30 RKViJK zooLOGiguK, {Jauvier 1845.)

» donne alors naissance à un système de canaux dont les ra- » meaux pénètrent dans les appendices branchiformes du dos de y> l'animal et y portent directement les matières nutritives qui , » après y avoir subi Vinftuence de Vair, doivent se distribuer )' dans les diverses parties du corps et y servir à l'entretien de la » vie(l). »

Il résulte donc bien, des deux citations qui précèdent, que la respiration se ferait chez les Phi él) enter es dans les ramifications du prétendu appareil âffls^ro-vascwZmre, et que ces ramifications remplaceraient les organes de la respiration, en soumettant im- médiatement au contact de Vair les matières nutritives ; mais comme ces mêmes ramifications se trouvent séparées de la peau pat* le parenchyne dufoie qui les enveloppe de toutes parts, il faudrait admettre , comme je l'ai déjà dit dans ma Note , que la respi- ration ou l'oxygénation des matières nutritives se ferait à tra- vers cet organe , ce qui , quels que soient les 'principes qu'on puisse avoir en zoologie (2), me paraît bien évidemment inad- missible.

Le tube digestif ne peut donc pas plus être chargé de la fonc- tion de la respiration que de celle de la circulation dans les Mol- lusques prétendus phlébentérés ; il ne peut pas plus l'exercer en totalité qu'en partie.

Enfin , si l'on se dégage de toute préoccupation systématique à ce sujet , j'ai déjà fait voir qu'il était possible d'assigner un rôle beaucoup plus naturel à ce prétendu appareil gastro-vasculaire; j'ai déjà dit que des canaux qui vont de V estomac dans le foie , et qui sont même entièrement contenus dans cet organe chez quel- ques-uns de ces Mollusques, ne pouvaient être ni des organes de circulation, ni des organes de respiration, et qu'il était beaucoup plus simple de les considérer comme des canaux biliaires. L'ana- logie vient encore tout à fait à l'appui de cette détermination ; car, chez les Doris , ces canaux biliaires offrent un calibre si con- sidérable et s'ouvrent dans l'estomac par des orifices si larges , ainsi que le représentent les planches de Cuvier relatives à l'ana- tomie de ces Mollusques, que cette particularité a même étonné cet illustre naturaliste (3).

(1) Rapport d€ M. Milne Edwards ; Annales des Sciences naturelles, 3' série , tome I , pafe 16.

(2) Comptes rendus, tome XIX , page 815.

(3) Mémoire sur le genre Doris , page 15 , PI. 1, fig. 3.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 31

Qu'il me soit maintenant permis de résumer ici en peu de mots ce point capital de la discussion , afin de pouvoir apprécier la théorie proposée par M. de Quatrefages sous la dénomination nou- velle de phlébentérisme (1).

Dans un premier Mémoire , ce naturaliste signale une analogie complète entre le tube digestif des Méduses et celui desÉolides; et cependant cette analogie n'entre pour rien dans les considéra- tions physiologiques qu'il donne ensuite sur ces Mollusques (2).

Après de nouvel les recherches, M. de Quatrefages établit une théorie entière sur cette même analogie , en réunissant tout un groupe de Mollusques sous le nom de Phlébentérés (3);etcepen- dant ce naturaliste se trouve encore ici en contradiction formelle avec sa théorie, puisque l'intestin resterait tout à fait étranger à la fonction de la circulation , et ne participerait même que par- tiellement à celle de la respiration dans ces mêmes Mollusques.

Plus tard , M. de Quatrefages formule sa théorie d'une ma- nière plus logique, en disant que , chez tous les Mollusques qu'il désigne sous le nom de Phlébentérés, la fonction de la digestion se confond avec celles de la respiration et de la circulation, et que c'est le caractère dominateur de ce groupe (4); et cepen- dant la modification du tube digestif ou le prétendu appareil gastro-vasculaire qui représenterait ce caractère dominateur , n'existe pas même dans tous ces Mollusques.

M. de Quatrefages établit, dans cette théorie, que la dégrada- tion des organes de la circulation et de la respiration se trouve liée à l'existence de cet appareil gastro-vasculaire qui doit en effet remplacer ses organes dans leurs fonctions , et il signale en- suite une analogie complète entre la circulation de certains jP^ie- bentérés et celle des Crustacés qui n'ont pourtant point d'appa- reil ^asfro-vasctt/aire (5). En même temps, ce naturaliste retire de son ordre des Phlébentérés les Mollusques qu'il y avait d'abord rangés sous le nom de Zéphyrines, Mollusques chez lesquels il a pourtant décrit ce prétendu appareil gastro-vasculaire {'6).

Enfin , après avoir reconnu sans doute que ce même appareil

(1) Je ne puis discuter ici cette théorie que dans l'application que M. de Quatrefages en a faite aux Mollusques qui font le sujet de cette discussion ; j'espère pouvoir lexaminer plus tard dans les autres animaux auxquels vient de l'étendre ce naturaliste.

(2) Mémoire sur TÉolidine , page 292.

. (3) Mémoire sur les Gastéropodes phlébentérés. (♦) Comptes rendus, tome XIX , p. 192. (8) Comptes rendus, tome XIX, p. 815. (6) Comptes rendus, tome XIX , page 8U (en note).

3-2 " REVUK zooLOGiQUK. { Junvier iSiô.)

^ttitiro-V(t,^Culaire ne pouvait être chargé des fonctions qu'il lui avait assi|;nées, M. de Quatrefages paraît abandonner sa théorie du phlébenlérisme , puisqu'il compare les Mollusques dont il s'a- git ici aux Escharres, aux Flustres, etc.; et , peu de jours après , il revient à cette théorie , et soutient de nouveau que l'appareil gastrovasculaire des Fhlébentérés remplit à la fois le rôle d'or- gane digestif et celui d'organe circulatoire (1 ).

Toutes ces variations et toutes ces contradictions ne prouve- raient-elles pas suffisamment déjà que les faits avancés parM^de Quatrefages ne se trouvent plus dans les limites de la vérité , et qu'il en est par conséquent de même des théories établies sur ces faits par ce naturaliste? ne viennent-elles pas entièrement à l'ap- pui des principes que j'ai énoncés en commençant , savoir : que des dégradations organiques qui sont possibles dans certains points de la série deviennent toutà fait impossibles dans d'autres; que des Mollusques gastéropodes, par exemple, ne sauraient avoir l'organisation deZoophytes; par conséquent , que des ani- maux semblables extérieurement ne peuvent pas différer d'une manière radicale dans leur structure intérieure ? enfin , ne dé- montrent-elles pas encore toute la vérité de ces paroles de l'un des plus grands zoologistes de notre époque : « La nature , dit » Cuvier, inépuisable dans sa fécondité et toute-puissante dans » ses œuvres, si ce n'est pour ce qui implique la contradiction , B n'a été arrêtée dans les innombrables combinaisons de formes » d'organes et de fonctions qui composent le règne animal que » par les incompatibilités physiologiques ; elle a réalisé toutes » celles de ces combinaisons qui ne répugnent pas ^ et ce sont » ces répugnances , ces incompatibilités , cette impossibilité » de faire coexister telle modification avec telle autre , quiéta- » blissent entre les divers groupes d'êtres ces séparations, ces » hiatus qui en marquent les limites nécessaires et qui consti- » tuent les embranchements, les classes, les ordres et les familles » naturelles (2) ? »

V. Il me reste à répondre sur quelques faits dont je ne pour- rai parler que brièvement ici , mais que j'ai exposés avec tous les détails nécessaires dans mon Mémoire.

{" J'ai dit, dans ma Note, que , dans tous les Mollusques dé-

(i) Moniteur du 17 norembre 1844.

(J) Anatomie comparée, tome I. page 64.

SOCIÉTÉS sjlva;sti-:s. 3S

«ignés par M. de Quatrefages sous le nom de PhlébentérèSy Vin* testin proprement dit avait échappé aux recherches de ce na- turaliste, ce qui lui avait fait assigner une position fausse à Vanus ou l'avait conduit à méconnaître Vtxistence de cette ouverture (1).

En effet, dans les Éolides , M. de Quatrefages a pris pour l'in- testin la partie du tube digestif qui donne naissance aux canaux biliaires (appareil gastro-vasculaire de ce naturaliste), c'est-à- dire la poche stomacale ; ce qui lui a fait placer l'anus à l'extré- mité postérieure de l'animal , sur la ligne médiane (?). Or l'in- testin , très-gros et très-facile à reconnaître, est placé du côté droit et vient s'ouvrir du même côté, vers le milieu de l'animal , sur la face dorsale (3).

Dans les Vénilias (Zéphyrines), après avoir dit que ses obser- vations sur le tube digestif n'ont pu s'étendre au delà de l'oeso- phage , M. de Quatrefages parle d'un cloaque situé en arrière de la cavité abdominale^ et qui lui paraît être une dépendance de V appareil digestif; il dit avoir cru reconnaître à ce cloaque un orifice ^^'ouvrant postérieurement au-dessus du pied (4), et qui serait l'orifice anal , détermination qui lui semble confirmée par ses observations sur les Actéons et les Actéonies, et par celles de M. Milne Edwards sur les Calliopées (5); et cependant l'exis- tence de cette ouverture est ensuite tout à fait révoquée en doute dans les conclusions du Mémoire , puisque , d'après ce qu'on lit dans ces conclusions, Vestomac aveugle des Zéphyrines , etc., rapellerait exactement celui de la plupart des Médusaires (fi, .

(1) Comptes rendus, tome XIX, page 365.

(î) Mémoire sur TÉolidlne, pages 284, 285; PI. AI . fig. S. Du reste , M. de Quatrefapes parait avoir reconnu lui-même son erreur sur ce point . depuis l'apparition de ma Note , quoiqu'il s'exprime à ce sujet d'une manière peu claire, dans une note de sa réponse. {Comptes rendus, tome XIX, page 811.)

(3) Cette première erreur, commise par M. de Quatrefages, l'a conduit à une seconde, celle de prendre la cavité buccale pour l'estomac , ainsi que l'ont observé, arec juste raison , MM. Halder et Hancock ; mais je ne puis mieux faire que citer , à ce sujet , ces deux naturalistes. « La position , disent-ils , que M. de Quatrefages assigne à l'estomac , en » avant des tentacules dorsaux , est «elle ou nous trouvons la cavité buccale des Ëolides. » M. de Quatrefages dit s'être assuré que c'était bien l'estomac , car il a vu dans le même «•organe, chez un animal analogue à l'Éolidine, l'épine dorsale d'un petit poisson. Mais » plus récemment, dans la description de l'Acléon élégant, M. de Quatrefages dit, en par- » tant de la langue de ce Mollusque . qui ressemble tout a fait à celle de l'Éolide, qu'il » l'avait d'abord prise pour une épine dorsale de petit poisson. En rapprochant ces deux » observations, ne peut-on pas supposer que M. de Quatrefages a réellement pris la » bouche pour l'estomac? » {Annals andMagaz. of nat. hist. , août i84t.J

(4) Mémoire sur les Gastéropodes phlébentérés, page 136. J'ai déjà fait remarquer qve celte position de l'anus, au-dessus du pied , n'était pas possible.

(6) Mémoire sur les Gastéropodes phlébentérés, pages 137 et 144 (6) I.0C. cit. , page ns.

Tome VIll. Année 1845. A

34 REVUR zooLor.iQUK. (Janvier 1845.)

Or il n'existe dans ces Mollusques rien d'analogue à ce que ce naturaliste désigne sous le nom de cloaque, et les doutes qui se trouvent ensuite émis sur l'existence de l'intestin et de l'anus n'ont également rien de fondé , cette partie du tube digestif étant entièrement semblable à ce que l'on voit chez les Éolides; seu- lement , l'intestin se porte un peu plus en arrière , et , au lieu de rester latéral , il vient s'ouvrir sur la ligne médiane.

Dans les Amphorines , tout le tube digestif se réduirait à la cavité buccale , d'après M. de Quatrefages. Ce naturaliste dit , en effet , que Vestomac n'existe pas dans ces Mollusques, et que ce viscère est remplacé dans ses fonctions par cette cavité buc- cale (1). C'est dans cette même cavité buccale qu'il fait aboutir les canaux biliaires (l'appareil gastro-vasculaire)] enfin, il as- sure n^avoir pu reconnaître la moindre trace d'ouverture postérieure à Vappareil digestif, et il est, par suite, très-porté à croire que les Amphorines manquent d'anus et que les rési- dus de la digestion sont rejetés par la bouche (2). Or la dispo- sition du tube digestif dans les Tergipes , et la terminaison que M. de Quatrefages assigne aux canaux biliaires (appareil gastro- vasculaire) dans la cavité buccale , prouvent encore , d'une ma- nière évidente , que ce naturaliste a pris l'estomac pour cette cavité , et qu'il n'a pas reconnu l'intestin dans ces Mollusques.

Dans les Pavois et les Chalides , l'intestin manquerait égale- ment , d'après les descriptions et les figures données par M. de Quatrefages , et ce naturaliste dit encore qu'î7 est très-porté à croire qu'il n'y a pas d'ouverture anale (3). Or, dans le Mol- lusque que je crois pouvoir rapporter à ces genres (4) , il est très-facile de reconnaître l'intestin qui vient s'ouvrir, comme dans les Doris , à la partie postérieure de la face dorsale de l'animal et sur la ligne médiane.

Enfin , dans les Actéons , M. de Quatrefages a également dé- crit à la partie postérieure du corps un cloaque analogue à celui qu'il avait signalé dans les Zéphyrines ; il lui a semblé y reconnaître aussi une ouverture s' ouvrant en arrière entre les replis branchiaux. Il dit ailleurs que cette ouverture , qui

(1) Loc. cit. , page 173.

(2) Loc. cit. , page U9.

(3) Loc. cit. , pages 183 et 156.

(V) Ces deux genres me parai^isont , en effel. deroir #lre réunis *n «n seul, lorwiu'il» seront connns d'nno manière plus exncle

SOniÉTÊS SAVANTES. 55

sfîrait l'anus, est placée à la partie postérieure et médiane du corps ; enfin , il a cru distinguer un canal étroit et sinueux se rendant de la poche stomacale à V organe quHl désigne sous le nom de cloaque (1). Or, comme je Tai déjà dit dans ma Note , aucun de ces détails n'est exact , et la courte description que je vais bientôt donner du tube digestif dans les Actéons prouvera , ce que j'ai avancé dans cette Note , que cet appareil a presque entièrement échappé aux recherches de M. de Quatrefages.

Il résulte donc de ce qui précède que, dans tous les Mollusques prétendus phlébentérés^ W. de Quatrefages n'avait donné sur l'in- testin, et même sur d'autres parties de l'appareil digestif, que des déterminations inexactes , ou bien avait émis a ce sujet des doutes qu'il était important de faire disparaître. Or, en rectifiant ou en complétant les observations de ce naturaliste sur ce point , com- ment puis-je , ainsi qu'il le dit dans sa réponse , n'avoir fait que reproduire ce qui était déjà imprimé dans ses propres Mé- moires (2)?

On voit aussi , par les détails que je viens de donner, coiribien sont peu fondées toutes ces analogies que M. de Quatrefages a signalées , sous ce rapport , entre les prétendus Phlébentérés et les Annelés, les Nymphons, les Planaires, les Sangsues, etc. (3) ; ces analogies ne reposant en effet, comme je crois le démontrer dans mon Mémoire , que sur des hypothèses , des doutes ou des assertions erronées.

J'ai dit aussi dans ma Note que la description donnée par M. de Quatrefages de l'apparei) gastro-biliaire (appareil gastro- vasculaire de ce naturaliste) dans les Éolides , était tout à fait inexacte, et que les canaux partis de la cavité stomacale n'abou- tissaient jamais à ce canal marginal , qu'il a figuré et qu'il com- pare à celui des Méduses. BI. de Quatrefages n'ayant rien ré- pondu à mes observations critiques sur ce point, je dois en conclure qu'il s'est assuré qu'elles étaient fondées.

3** .l'ai également avancé que la conformation des organes de la génération ne ressemblait en rien , chez les Mollusques j^^i/e*'- bentérés, à la description que M. de Quatrefages en a donnée. On ne trouve en effet dans aucun de ces Mollusques le tube ovarien et le sac testiculairt dont parle ce naturaliste ; cette disposition

(f) Mémoire sur les Gastéropodes phlébentérés ,page l«.

(S) Complet rendus . tome XIX , page 810.

(S) Mémoire sur les Gastéropodes phlt^bentérés , pape 176

36 REVUE zooLOGiQCB. { /awvîcr 1845. )

de l'appareil générateur n'a même pas été observée jusqu'à pré- sent dans les animaux de ce type.

Chez les Éolides, et dans tous les genres de la même famille , cet appareil est entièrement analogue à celui des autres Mol- lusques nudibranches.

H se compose, pour le sexe femelle, d'un ovaire en grappe (1), d'un premier oviducte naissant par des ramifications de cet ovaire, et d'un second oviducte plus large , à parois gélatineuses et comme boursouflées dans la dernière partie de son trajet , réuni par des circonvolutions très-serrées en un organe globu- leux qui occupe la partie antérieure de la cavité abdominale (2). Ce second oviducte , que l'on désigne aussi sous le nom de ma- trice , reçoit , près de sa terminaison , le canal d'une vésicule analogue à celle que l'on trouve dans la plupart des Mollusques , et qui est connue sous les noms de vésicule de la pourpre, vési- cule copulatrice, etc., mais dont les fonctions n'ont pas encor» été bien déterminées.

Le sexe mâle est représenté par un tube entortillé qui s'abou- che avec le premier oviducte par une de ses extrémités, et qui aboutit par l'autre à la verge. Celle-ci est formée par un organe creux et exsertile , comme dans beaucoup d'autres Mollusques.

Les deux orifices de cet appareil , celui de la verge et celui de l'oviducte,sont ordinairement placés sur un tubercule commun, situé du côté droit. Les Calliopées font exception à cette disposi- tion , ainsi que l'a , le premier, observé M. Vérany ; ces deux ou- vertures sont , en effet, séparées, celle de l'oviducte restant à sa position normale , tandis que celle de la verge se trouve un peu plus en avant , à la base du tentacule.

La communication que j'ai signalée entre le sexe mâle et le sexe femelle, communication qui paraît exister dans tous le» Mollusques hermaphrodites, mais qui n'avait été indiquée jus- qu'à présent que d'une manière fort vague , prouverait que ces Mollusques peuvent se féconder eux-mêmes , quoique ayant be- soin , pour cela , d'un accouplement réciproque.

Enfin , les faits que j'expose dans mon mémoire prouveront

(1) La situation de cet oTaire à la partie postérieure de la cavité abdominal» me porta a eroire que c'est cet organe que M. de Quatrefagea désigne sous le nom de cloaque dan» la plupart de ces Mollusques.

(«) Cette partie de l'appareil générateur me parait être celle que CuTier a prise poar If testicule dans les Tritonies et quelques autres Mollusques nudibranches.

SOCIÉTÉt SAVANTES. 37

«Acore , j'espère , que les assertions de M. de Quatrefages sont inexactes sur plusieurs autres points de l'anatomie des prétendus Phlébentérés, et notamment sur les organes de la circulation chez les Éolides, ainsi que sur le système nerveux qui est aussi parfait et aussi compliqué dans ces Mollusques que dans tous les autres Gastéropodes (1).

VI. J'ai réservé, dans les paragraphes précédents, les faits re* latifs à l'anatomie du genre Actéon ; ici , en effet , comme dans ma note , je crois devoir consacrer un paragraphe spécial à ce curieux Mollusque.

D'après M. de Quatrefages, mes observations critiques sur ce genre Actéon ne seraient nullement fondées , et le peu de faits que f ai exprimés à ce sujet manquerait d'exactitude (2). Il est cependant à remarquer que ce naturaliste, qui dit posséder une anatomie très-dét aillée de ce Mollusque^ n'ait répondu par au- cun fait précis à mes assertions et à mes critiques. Je vais donc compléter ici , autant que me le permettent les limites de cet ex- trait de mon travail, les détails que j'ai déjà donnés dans ma note.

1«> La poche dorsale que M. de Quatrefages a prise pour l'esto- mac n'a, ainsi que je l'ai dit, aucune communication avec le tube digestif ; c'est une poche pulmonaire tout à fait analogue à celle des Mollusques terrestres, ce qui s'accorde entièrement avec les habitudes des Actéons, habitudes qui rappellent celles des Pulmonés fluviatiles, lesLymnées, les Planorbes, les Physes. Par conséquent, les canaux ramifiés qui partent de cette poche, et dont M. de Quatrefages fait son appareil gastro-vasculaire ^ sont des canaux aériens dont j'ai cherché à expliquer l'usage dans mon mémoire.

2" L' Actéon a un appareil circulatoire complet. Le cœur est situé en avant de la poche pulmonaire , sur la ligne médiane, et occupe , par conséquent , la même place que chez les Éolides et les autres Nudibranches. Il adhère en arrière par son oreillette à la paroi supérieure de la cavité pulmonaire , et donne naissance en avant à l'aorte qui se porte vers la partie antérieure de l'ani- mal , traverse le collier nerveux et se perd dans la masse buccale , après avoir fourni , dans son trajet , une branche profonde pour

(1) Rapport M. Milne Edwards déjà cité , page 1«. (1) Comptes rtnduê , tome XIX , page 817.

38 REvoE zooLOGiQDE. {Janvier 1845.)

les viscères. Cet organe est contenu dans un péricarde , et offre la même forme et la même structure que dans tous les autre» Mollusques gastéropodes (1).

J'ai dit, dans ma note , que tout le tube digestif, à partir de la cavité buccale (2), avait échappé aux recherches de M. de Quatrefages ; voici quelques détails à ce sujet : après avoir tra- versé l'anneau nerveux, l'œsophage, d'un très-petit calibre, offre une petite dilatation arrondie qui forme comme un premier estomac ; presque immédiatement après , il se dilate de nouveau en une poche stomacale beaucoup plus considérable, profondé- ment située au-dessous de la partie antérieure de l'appareil géné- rateur, à peu près au niveau du cœur. De la partie supérieure de cette poche , et près du point aboutit l'œsophage , part l'intes- tin qui se porte d'abord un peu en avant , contourne l'appareil de la génération et se dirige ensuite en arrière , et du côté droit , pour venir s'ouvrir du même côté, non loin de la ligne médiane» Cette ouverture , marquée par un petit tubercule saillant , se trouve placée uji peu en avant de l'orifice pulmonaire.

Le foie est formé par une matière verdâtre qui se trouve ré- pandue partout sous la peau et dans Finterstice des organes ; c'est, par conséquent, au foie qu'est due la couleur verte de ce Mollusque. Lorsqu'on étudie une partie de ce viscère à un faible grossissement , on voit qu'il est formé de petits cœcums ramifiés qui ont assez bien l'apparence de certains végétaux inférieurs. Les principaux canaux qui en résultent viennent se rendre dans, deux canaux plus considérables qui , de l'extrémité postérieure du corps de l'animal , se portent en avant, de chaque côté de la ligne médiane , pour venir s'ouvrir dans la poche stomacale.

4'* Enfin, l'appareil reproducteur, composé des deux sexes

,•^1) Les pièces que je mets sous les yeux de l'Académie prouveront, d'une manière évi- (leiUe , que je n'ai pris pour le cœur , dans l'Actéon , ni la vésicule copulatrice , ni la vésicule séminale . dont parle M. de Quatrefages (voiries Comptes rendus , tome XIX . page 817); ce qui ressort, dn reste, suflisamment des détails que je viens de donner sur ce point. Outre qu'il me sera facile de démontrer que ces deux vésicules n'existent pas. riiez, l'Actéon (du moins à la position qu'indique M. de QuatrofaRes pour la première) . le cfBurs'en distingue si facilement sous tous les rapports . et surtout par ses connexions, que je comprends difficilement que ce naturaliste ait pu maltribuer une erreur sem- blable. Il suflit . en effet, d'avoir vu une seule fois le cœur d'un Mollusque gastéropode pour qu'il soit impossible de le confondre avec une vésicule quelconque , pourvu louJe- fois qu'on no se borne pas à reconnaître ces parties par tran,sparence.

(2) I.a description que M. de Quatrefages donne de celle cavité buccale et la position qu'elle aurait d'après ses figures, diffèrent encore tellement de ce que j'ai vu moi-même , que je suis iras-portc a croire que cette portion du tube digestif a aussi échappé à ses îocljenhes.

SOCIETES SAVANTES. 39

comme chez les Pulmonés et les Nudibranches , offr« la disposi- tion suivante chez les Actéons ;

L'ovaire est formé par un grand nombre de petits corps ar- rondis, vësiculeux, disposés de chaque côté de la ligne médiane en une grappe , ayant entièrement l'apparence d'une grappe de raisin (1). L'oviducte unique qui en résulte, après avoir traversé un renflement ovoïde, se continue avec un second oviducte analogue à celui dont j'ai déjà parlé à propos des Éolides , etc. , mais off"rant un nombre de circonvolutions beaucoup moins con- sidérable. Cette espèce de matrice . après avoir reçu également canal d'une vésicule (vésicule de la pourpre) , s'ouvre du côté droit , dans un sillon qui descend du tubercule de l'anus vers la lace inférieure de l'animal.

La partie mâle est également formée de deux parties similaires, situées de chaque côté de la ligne médiane , et ayant une dispo- sition ramifiée. Le canal déférent qui en part, après avoir com- muniqué avec le premier oviducte, se dirige en avant pour rendre à l'extrémité de la verge qui, comme je l'ai déjà indiqué, est située du côté droit, à la base du tentacule (2).

D'après les détails que je viens de donner sur l'organisation des Actéons , détails que mettent en évidence les préparations que je mets sous les yeux de l'Académie , on peut voir que ce genre de Mollusques ressemble fort peu aux descriptions qu'en ont données les divers naturalistes qui s'en sont occupés, ce qui a nécessairement induire en erreur sur ses affinités zoolo- giques (3). En effet, il me paraît s'éloigner également des Aply-

(1) Ce sont ces corps vésiculcux que M. de Qualrefages a considéré comme une dépen- dance de son appareil gastro-vasculaire , et qu'il désigne sous le nom de caecums bran- chiaux; miiis, ainsi que je l'ai déjà dit, ces prétendus cœcums ne communiquent nulle- ment avec les ramincations de la pucbe pulmonaire, et n'offrent également, en aucune manière , la disposition que ce naturaliste leur assigne dans ses flgures.

(S) La partie mâle de l'appareil générateur me parait être celle que M. de Quatrefages désigne en dernier lieu comme l'ovaire (Comptes rendus, t. XIX, p. 191). autant qu'il est possible d'en juger par le seul détail qu'il donne a ce sujet , en disant que les ovaires pénètrent entre les deux lames des rames respiratriccs latérales , et que leurs ra- mincations se mêlent à celles de V appareil gastro-vasculaire. Quant aux organes mft- les , ce naturaliste se borne à indiquer leur position dans le corps proprement dit, ce qui suffit cependant pour faire voir qu'il a encore confondu ces organes m&les avec le se- cond oviducte ou la matrice.

{^) Les caractères zoologiques de l'Actéon n'ont même été donnés jusqu'à présent que d'une manière fort inexacte. Je dois cependant dire de nouveau que M. Vérany avait par- faitement reconnu ces caractères , et même l'orifice de la poche pulmonaire , bien avant que j'eusse fait l'anatomie de ce Mollusque. M. le professeur Allman a présenté , le 30 sep- tembre dernier, à la section de Zoologie et de Botanique de l'Association britannique , un Mémoire sur l'anatomie de l'Actéon. Voici la «eule note que renferme, a ce sujet , le jour- nal lAtheHCBum du 19 octobre : « Sur l'anatomie de VActeon viridts . par M. le profee-

-ÎO REVCE zooLOGiQtË. [Janckf 1845.;

siens , parmi lesquels l'ont rangé le plus grand nombre , cît?» Planaires avec lesquelles Délie Chiaje a cru lui trouver de Ta- nalogie, et des Éolidiens dont l'a rapproché en dernier lieu M. de Quatrefages. La disposition de l'appareil respiratoire doit !e faire placer à coté des Mollusques pulmonés fluviatiles, et sur- tout auprès des Onchidies. Les Actéons se rattacheraient cepen- dant aux Nudibranches par quelques points de leur histoire ; car , d'après des observations fort intéressantes faites par M. Yé- lany, qui a bien voulu me les communiquer, ces Mollusques offriraient, dans le premier âge, la particularité observée par MM. Sars et Yan Beneden chez les Éolides, les Doris , les Trito- uies , les Aplysies, etc. , c'est-à-dire d'être contenus dans une coquille nautiloïde et operculée.

En terminant cet extrait, auquel l'obligation de répondre à la note lue le 21 octobre dernier par M. de Quatrefages, m'a fait donner une étendue plus considérable que je n'aurais désiré , je rappellerai ce que je disais en commençant, que la question qui fait le sujet de la discussion actuelle , et que l'Académie est ap- pelée à juger , est avant tout une question de faits et non une question de théories.

Il s'agit de savoir si les appareils de la respiration et de la cir- culation peuvent disparaître complètement ou partiellement chez des Mollusques gastéropodes;

vSi, chez ces animaux, ces mêmes appareil» peuvent être rem- placés dans leurs fonctions par le tube digestif, ainsi que cela a lieu chez les plus simples presque des Zoophytes.

Enfin , si la simplification organique peut être même poussée si loin dans ces mêmes Mollusques, que des Gastéropodes se trouveraient abaissés- au rang des organismes les plus dégradés. Les faits que je soumets à l'Académie me paraissent détruire d'une manière complète toutes ces assertions de M. de Quatre- fages. Cependant ce naturaliste a promis, lui aussi, de présenter des preuves à l'appui de ces mêmes assertions ; j'espère qu'il reinplira sa promesse , et alors l'Académie pourra juger en un instant de quel côté se trouve la vérité.

seur Allraan. L'anleiir contredit les assertions de M. de Oualrefages relativement s * de nombreux points de l'anatomie de ce petit Mollusque , et à la place qui lui a été assi- » gnée par le naturaliste français dans son nouvel ordre des Phlébentérés. » Je ne puis donc savoir jusqu'à quel point mes observations concordent avec celles de M. le professear Allmsn ; je vois seulement que je me trouve tout à fait d'accord avec le naturaliste anglfti*, 3i«l»Uvem9nl au travail de M. de Quatrefages tur le même sujet

SOCIÉTÉS SAVAiNTKS. M

Pendant la lecture d'une grande partie de ce travail , on a mis 60US les yeux des membres de l'Académie de magnifiques plan- ches représentant les faits énoncés par M. Souleyet,et Ton voyait sur le bureau les bocaux contenant les diverses dissections et pré- parations des Mollusques étudiés par cet habile anatomiste.

Les observations de M. Souleyet, présentées simplement et avec la conviction d'un homme consciencieux, qui a vu et revu avec grand soin tous les faits qu'il avance , ont été écoutées avec inté- rêt par les personnes compétentes qui composent l'Académie des sciences ou assistent à ses séances. L'une d'elles , le rédacteur du feuilleton scientifique du JSational (mercredi 15 janvier), a formulé d'une manière si exacte, si claire et si originale, l'im- pression produite par ce mémoire, que nous croyons ne pouvoir mieux faire que de copier cet article.

a On sait qu'il existe entre MM. Souleyet et Quatrefages un dis- sentiment profond touchant l'organisation de ces mollusques que M. Quatrefages désigne collectivement sous le nom de phlében- térés, lesquels, suivant ce dernier, seraient plus ou moins dé- pourvus d'organes respiratoires et circulatoires et posséderaient un tube intestinal qui suppléerait à leur défaut ou à leur imper- fection, amsi que cela se voit chez certains animaux très-infé- rieurs , tels que les méduses. M. Quatrefages , dans son ardeur de simplification , avait même été jusqu'à prétendre que chez quelques-uns de ces mollusques le tube digestif n'avait pas d'ou- verture postérieure, et que les résidus de la digestion devaient être rejetés par la bouche; d'où l'auteur concluait que la classe des gastéropodes, au lieu d'offrir un type organique uniforme , présentait toute la série de modifications et de dégradations or- ganiques qui séparent ces mollusques des derniers zoophytes, résultat qui conduisait à cette autre conclusion, savon- : que les rapports admis jusqu'à ce jour entre les caractères extérieurs d'un animal et son organisation intérieure, rapports qui servent de base à la zoologie et à l'anatomie comparée , n'ofllrent plus aucune certitude : qu'un mammifère , par exemple , pourrait offrir l'or- ganisation d'un oiseau , un oiseau celle d'un reptile, d'un pois- son, etc.; enfin on ne serait jamais certain de connaître l'orga- nisation d'un animal sans l'avoir disséqué , et l'on ne pourrait jamais conclure d'une espèce à une autre , et même aux autres individus de la même espèce.

42 REVUK zooLOGiQuii. {Janviev 1845.)

» Heureusement que les études de M. Quatrefages n'étaient qu'incomplètes , et l'Académie a pu voir dans les préparations . que lui a soumises M. Souleyet, que les organes de la circulation et de la respiration , niés par M. Quatrefages , existaient au plus haut degré dans ces mêmes Mollusques , dits phlébentérés. Elle a pu se convaincre également que ces fonctions sont toujours exécutées par des appareils particuliers , comme dans tous les au- tres Mollusques , et les planches de M. Souleyet démontrent que la modification du tube digestif, à laquelle M. Quatrefages a donné le nom d'appareil gastro-vasculaire, et qui, selon lui, joue le rôle d'organe circulatoire et respiratoire, n'est autre chose qu'une série de canaux qui vont de l'estomac dans le foie, sont même entièrement contenus dans l'épaisseur de cet organe chez certains Mollusques , et que ce sont de véritables canaux biliaires. Nous faisons grâce aux lecteurs des contradictions qu'a relevées M. Souleyet, et desquelles il résulte que les théories imaginées par M. Quatrefages ne reposent que sur des erreurs ; nous nous bornerons , pour en finir sur ce point , à rappeler les termes dans lesquels son travail a été apprécié par une commision de l'Aca- démie dans la séance du 15 janvier 1844.

« Les recherches de M. de Quatrefages sur les gastéropodes phlé- bentérés conduisent, comme on le voit, à des résultats très-im- portants pour l'histoire des Mollusques ; et , parmi les travaux dont cette branche de la zoologie s'est enrichie depuis quelques années , il n'en est peut-être aucun qui renferme un nombre plus considérable de faits nouveaux et curieux... Il s'est montré (M. Quatrefages) bon observateur et anatomiste habile. Les sujets de ses investigations ont été heureusement choisis, et les conclusions qu'il en a tirées font preuve d'un jugement droit et de connais- sances étendues. Ses travaux lui assurent déjà un rang des plus élevés parmi nos jeunes naturalistes, et doivent lui valoir des encouragements de la part de tous ceux qui s'intéressent à l'ave- nir de la zoologie physiologique en France. La commission de- mande pour lui la faveur la plus grande dont l'Académie puisse disposer, c'est-à-dire les honneurs de l'impression daiis le Recueil des savants étrangers, »

» Et , dans son enthousiasme, cette même commission fit donner à M. Quatrefages des fonds pour aller faire des recherches sur Tanatomie et la physiologie des Mollusques phlébentérés de la

SOCikTÙâ SAVANIES. 43

Méditerranée. Ceci se passait le 16 janvier 1844. Le voyage se fit, et, le 14 janvier 1845, le phlébentérisme expirait d'invraisem- blance devant cette même Académie. Nous n'ajouterons rien , pour ne pas sortir de la réserve que commande la plus stricte impartialifé. )>

M. Flourens donne lecture de quelques passages d'une lettre que nous avons adressée à l'Académie pour lui annoncer que nous allions publier une nouvelle édition de notre Iconographie du règne animal. Nous nous proposons de faire entrer dans cette édition les principales acquisitions qu'a faites la science depuis l'époque l'illustre naturaliste a mis la dernière main à son ouvrage. Notre galerie zoologique ne possédant pas certains su- jets nouvellement découverts et qui sont uniques dans les Musées étrangers , nous avons demandé à l'Académie de vouloir bien nous faciliter les moyens d'aller les étudier surplace, afin deles faire entrer dans notre ouvrage. Commissaires, MM. Duméril, de Blainville, Flourens eti. Geoffroy-Saint-Hilaire.

Séance du 20 janvier. M. de Quatrefages adresse à l'Aca- démie une Réponse à la note présentée dans la séance précé- dente par M. Souleyet , concernant Vanatomie et la physiologie des Mollusques phlébentérés.

Toutes les personnes qui s'intéressent à la grave question por- tée devant l'Académie , ont été peinées de voir que M. de Qua- trefages faisait tomber la discussion de la hauteur scientifique elle s'est soutenue jusqu'à ce jour. En effet, M. de Quatrefages, au lieu d'apporter des preuves et des faits pour combattre les preuves et les faits présentés par M. Souleyet, s'est contenté de formuler une série de dénégations absolues, d'accusations de mauvaise foi, etc., sans apporter devant l'Académie les pièces d^un procès qui ne peut plus désormais être jugé autrement. Nous ne reproduirons donc pas cette réponse, qui ne modifie en rien la question, et cela autant dans l'intérêt de M. de Quatre- fages que dans celui delà vraie dignité de la science.

Séance du 27 janvier. M. Souleyet adresse une Réponse à la nouvelle note de M. de Quatrefages. Il témoigne toute la répu- gnance qu'il éprouve à suivre son antagoniste sur ce nouveau terrain. Dans cette réponse, M. Souleyet détruit une à une les assertions et dénégations de M. de Quatrefages, qui, si on les considérait comme fondées, tendraient à faire croire que H. Sou-

4* REVUE zooLOGiQDE. {Jauviev 1845.)

leyet a commis des erreurs inconcevables, qu'mi homme tout k fait étranger à l'anatomie , qu'un enfant même , ne pourraitcom- mettre. Quoique cette réponse soit très-intéressante, nous ne nous y arrêterons pas plus que sur la note qui l'a provoquée si fâcheusement; nous attendrons le rapport de la commission qui doit juger la question, et nous nous bornerons à clore ici la dis- cussion en reproduisant encore un article très-remarquable, qu'un anatomiste plein de savoir, M. le docteur Th. Roussel, a inséré dans le feuilleton du journal le Courrier Français du 28 janvier. Indépendamment du mérite de Tà-propos , ce travail en a un autre qui nous aurait encore engagé à l'insérer ici , c'est celui d'une appréciation éclairée , impartiale et résumée avec lucidité, de cette question difficile et importante.

« M, Arago a lu hier à l'Académie, sur la demande de M. Milne- Edwards , une réponse de M. de Quatrefages , aux observations de M. Souleyet , dont il a été question dans notre dernier ar- ticle. Ainsi qu'on le voit, M. de Quatrefages a répondu plus tôt que nous ne le pensions ; nous regrettons qu'il n'ait pas ré- pondu comme nous l'avions espéré. En regard des faits apportés par M. Souleyet , c'était des faifs que nous attendions , c'était par des preuves qu'il fallait combattre les preuves ; à la démonstra- tion anatomique il fallait opposer une démonstration anato-> niique , non pas des allégations et des attaques détournées. Pourquoi M. de Quatrefages , dont nous nous plaisons à appré- cier le talent et le savoir, n'a-t-il pas adopté le seul moyen qui lui reste pour la défense de ses idées? Il faut bien le reconnaître, la discussion a été portée par M. Souleyet sur un terrain solide, le terrain des faits ; il ne peut être donné à personne de l'en faire sortir. Si le phlébentérisme compte encore des partisans » c'est dans cette arène qu'il faudra qu'ils descendent. C'est donc avec regret que nous ferons entrer nos lecteurs dans un débat nous trouvons en face deux jeunes naturalistes pleins d'ave- nir et de talent , mais , jusqu'ici du moins, nous avons trouvé tous les faits d'un côté et rien que des assertions de l'autre. Nous voulons encore toutefois faire des réserves pour l'avenir , car il nous paraît impossible que M. de Quatrefages veuille attendre, dans de semblables conditions , un arrêt de l'Académie. Les pièces anatomiques qu'il doit à la commission sont longues et délicates à préparer; les sujets à disséquer vivent pour la plu-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 45

part sur des rivages assez éloignés : nous le savons et c 'est pour- quoi nous espérons encore. En attentiant nous allons indiquer sommairement le fond de la question et le point la discus- sion s'est arrêtée.

* Nous avons déjà dit que les faits signalés par MW. Milne- Edwards et de Quatrefages , et récemment érigés en théorie par ce dernier , sous le nom de phlébentérisme , ébranlaient la zoo- logie dans ses fondements, et pour le prouver il suffit de rappeler en peu de mots quelques principes jusqu'ici reçus presque sans contestation.

» À part, en effet, quelques naturalistes, dont les opinions ont trouvé peu de crédit, on s'accordait à regarder l'harmonie rigoureuse des organes entre eux comme une loi générale pour la série animale toute entière. « La nature , avait dit Cuvier, iné- » puisable dans sa fécondité et toute-puissante dans ses œuvres » (si ce n'est pour ce qui implique contradiction), n'a été arrêtée » dans les innombrables combinaisons de formes d'organes et de » fonctions qui composent le règne animal , que par les incom- > patibilités physiologiques; elle a réalisé toutes celles de ces » combinaisons qui ne répugnent pas , etc. »

» De plus, parmi les appareils d'organes qui constituent cha- que animal, les naturalistes avaient remarqué qu'il en est plu- sieurs , tels que le système nerveux, les appareils circulatoire et respiratoire , dont l'influence est telle que leurs modifications, leurs dégradations entraînent toujours dans la forme extérieure et dans l'ensemble de l'économie des modifications , des dégra- dations correspondantes.

» C'est à l'aide de ces grands principes qu'avait été fondée la classification des animaux , et que tous les grands zoologistes avaient été conduits à reconnaître l'importance de la forme et des caractères extérieurs, comme traduisant l'organisation in- térieure et signalant les afïinités des êtres entre eux.

» M. de Quatrefages est venu attaquer la zoologie dans ces bases, en apparence au moins si solides; après avoir publié dans divers mémoires une série d'observations, dont quelques- unes appartiennent à M. Milne-Edwards et dont la plupart lui .sont propres, ce naturaliste a fini par formuler une théorie, de laquelle il résulterait que dans la série animale, et principale- ment chez les animaux inférieurs, l'harmonie, la corrélation

4€ REVDK zooLOGiQDE. [Jauvier 1845.)

à laquelle Cuvier assujettissait les diverses parties de l'organisme n'est pas un fait nécessaire et constant; qu'un organe, qu'un appareil, aussi important par exemple que celui de la respira- tion ou de la circulation, peut se dégrader, disparaître même à peu près complètement , sans que l'ensemble de l'organisation soit notablement modifié , sans que les caractères extérieurs et en un mot ce qui constitue le type de l'animal aient éprouvé une transformation correspondante. Ainsi, M. de Quatrefages annon- çait avoir trouvé que dans un groupe élevé de la série animale, {)armi des mollusques gastéropodes , c'est-à-dire chez des ani- maux qui ont un cœur, un appareil respiratoire complet, des artères, des veines, etc., il existait un certain nombre de genres ayant tous les caractères extérieurs propres aux mollusques gastéropodes, et présentant dans leur organisation intérieure une simplification organique telle qu'on ne trouvait plus ni cœur, ni branchies, ni artères, ni veines. A la place de ces ap- pareils , M. de Quatrefages trouvait un tube digestif ramifié , ser- vant à la fois à la digestion, à la respiration , à la circulation, comme dans les plus bas échelons du règne animal , comme chez les derniers zoophytes, et cet appareil nouveau, il le dési- gnait sous le nom d'appareil gastro-vasculaire. Les animaux ainsi organisés, à savoir les actéons et cinq autres genres décrits par M. de Quatrefages sous le nom de zéphirine , d'actéonie , d'amphorine , de pavois et de chalide , appartiendraient ainsi aux mollusques par l'apparence extérieure, aux zoophytes par leur organisation intérieure.

» Telle est dans ce qu'elle a de capital ,1a théorie du phlébenté- risme, dont, suivant M. de Quatrefages, on trouverait peut-être des traces jusque dans les premières classes du règne animal , dont on ne saurait contester l'existence dans un très-grand nom- bre d'invertébrés. On comprend tout d'abord les bouleversements qn'une pareille innovation entraîne dans la zoologie ; il serait donc possible que des animaux formant , par l'ensemble des ca- ractères extérieurs et des manifestations vitales, une famille natu- relle, s'éloignassent les uns des autres par lés dispositions inté- rieures , à tel point que les uns pourraient , sous ce dernier poirit de vue, appartenirauxMollusqueset même aux vertébrés, tandis que les autres ne seraient que des zoophytes. Ainsi , la forme deis animaux , ce cadre de la vie , que Cuvier regardait comme plus important que le fond lui-même , la forme ne serait qu'un masque trompeur, qu'une sorte d'étiquette mensongère , et pour savoir si un Mollusque est vraiment un Mollusque , si un être qui « kps traits d'un animal supérieur n'est pas en réalité un zooDhvte,

SOCIÉTÉS SAVANTK3. wf

il faudrait mettre à mort Tanimal , l'ouvrir, placer l'une aprèi l'autre toutes ses parties sous le scapel et sous la loupe. Nous croyons n'être pas injuste envers le phlébentérisme en regardant de pareilles extrémités comme ses conséquences légitimes et obli- gées ; nous faisons même l'aveu que ce sont ces conséquences , si opposées à ce que nous croyons solidement établi en philoso- phie naturelle, qui nous ont fait penser, avant même d'avoir examiné les pièces anatomiques de M. Souleyet, qu'une pareille théorie ne pouvait être assise sur des faits bien observés. Les pièces dont nous parlons nous ont convaincu en effet qu'elle était basée sur des erreurs d'observation ou plutôt sur des détermi- nations inexactes d'organe occasionnées très-probablement par des procédés défectueux de dissection et d'examen.

» Voici maintenant ce que M. Souleyet a observé en étudiant les Mollusques gastéropodes dont il s'agit , non par transparence, comme paraît l'avoir fait M. de Quatrefages, mais à l'aide d'une dissection minutieuse et des plus fines injections : L'appareil circulatoire existe complètement chez les zéphyrines ou vénilies, et ces Mollusques , chez lesquels M. de Quatrefages n'a distingué ni cœur, ni artères, ni veines, ne diffèrent pas des éolides quant aux organes de la circulation ; 2" l'appareil circulatoire existe aussi d'une manière complète chez les actéons et chez les actéo- nies , chez les tergipes qui , d'après M. Souleyet , ne diffèrent pas des amphorines , et enfin dans un Mollusque gastéropode offrant les plus grands rapports avec les genres pavois et chalide. Le» pièces de M. Souleyet démontrent encore l'existence de l'appareil circulatoire chez les cavolines (genre que ce naturaliste réunit au genre éolide), chez les calliopées et les glaucus , Mollusques que M. de Quatrefages n'avait pas observés lui-même et n'avait rapportés à son ordre des phlébentérés que par analogie.

» D'après la théorie du phlébentérisme , les appareils de la cîr- culation et de la respiration ne disparaîtraient point toujbtifb brusquement pour faire place à l'appareil gastro-vasculaire. Che^ certains Mollusques , tels que Véolide , le système veineux dispa- raîtrait seul ; chez d'autres, que M, de Quatrefages a observés ré- cemment dans un voyage en Sicile , il ne resterait plus que le cœur sans artères ni veines. On comprend à quelles conséquences physiologiques singulières l'on se trouverait conduit en admettant de pareils types d'organisation. Que faire d'un cœur sans artères ni veines? d'autre part, comment faire revenir sans veines le sang des artères au cœur? Sur le premier point M. de Quatre- fages ne s'est pas encore expliqué et n'a pas fait connaftre les Jlollusques soumis à .son observation. Sur le second, il acte forcé

48 REVUE zooLociQUE. (Janvier 1845).

de faire passer le sang des extrémités artérielles dans la cavité abdominale et de dans le ventricule. Or, sur ce point, M. Sou . leyet réfute sa manière de voir en démontrant l'existence d'un système veineux chez les éolides et les autres Mollusques, et malgré les assertions émises par M. de Quatrefages , dans sa note d'hier, la réfutation restera jusqu'à ce que des préparations ana- tomiques aient prouvé le contraire. Il en est de même pour les organes de la respiration. M. Souleyet fait voir que chez les éolides et tous les genres de la même famille , ces organes sont repré- sentés par les appendices dorsaux qui reçoivent des divisions de l'artère et de la veine branchiale ; chez l'actéon il montre que la poche dorsale , prise par M. de Quatrefages pour l'estomac, n'a aucune communication avec le tube digestif et qu'elle est une poche pulmonaire analogue à celle des Mollusques terrestres. Quant à l'appareil gastro-vasculaire , dont l'existence aurait en- traîné la dégradation des organes de la circulation et de la respi- ration , M. Souleyet fait voir comment une série d'interprétations malheureuses ont conduit M. de Quatrefages à l'admettre , com- ment , par suite de ces interprétations , le véritable intestin, l'ap- pareil biliaire, la position et même l'existence de l'anus, etc., ont échappé à ce naturaliste ; mais nous n'avons pas à entrer dans les détails de la question , ce sera l'œuvre de la commission aca- démique de les examiner consciencieusement; nous y revien- drons peut-être alors. En attendant , nous avons faire connaî- tre ce qu'était devenu , à sa première confpontation avec les faits, une théorie brillamment développée , dont l'apparition nous avait frappé d'étonnement et dont les connaissances auraient été néces- sairement funestes. Ceux qui savent en effet combien l'erreur une fois introduite dans la science, abritée sous un nom respectable, sanctionnée par l'autorité des académies, se prolonge avec facilité et pousse de profondes racines , combien il faut d'efforts et d'an- nées pour l'extirper, ceux-là comprendront l'importance du ser- vice rendu par M. Souleyet, dont tous les travaux portent l'ini- mitable cachet de l'exactitude et de la probité.

» A Dieu ne plaise que nous refusions ces qualités à M. de Qua- trefages. Autant que personne , nous avons apprécié ses titres scientifiques, son savoir et la distinctiop de son esprit. Mais ce que nous sommes forcés d'avouer jusqu'à de meilleures preuves, c'est qu'il s'est trop hâté de voir, de conclure, de généraliser. »

HUITIÈME ANNÉE. FÉVRIER 1845.

TIIAVAUX INÉDITS.

Description de quelques espèces nouvelles d'Oiseaux de M.idagas*

car, par M. le Docteur Pucheran , aide de zoologie au Musée

de Paris.

G*est en grande partie aux zoologistes français que la science est redevable depuis quelques années de la connaissance des objets nouveaux que possède Madagascar, soit en mammalogie , floit en ornithologie. Ainsi, je rappellerai à ce sujet que les genres Galidie et Galidictis , de la famille des Viverridés , de même que le genre Euplère , dont la place dans la série mammalogique ne paraît pas encore définitivement fixée , sont dus , les deux pre- miers à M. le professeur Geoffroy Saint-Hilaire fils , le second à M. Doyère. En ornithologie, c'est mon illustre maître qui a créé les genres Oriolie et Phileppitte , Falculie et Mésite, et M. de La- fresnaye qui a établi le genre BrachyptéroUe. Je viens à mon tour ajouter quelques nouveaux faits à ces éléments de la faune de Madagascar, et décrire quatre espèces d'Oiseaux que je crois inédites et nouvelles ; car c'est vainement que , par suite des fonctions que je remplis au Muséum de Paris , j'ai cherché dans les publications les plus récentes des descriptions qui pussent convenir à ces divers types.

J'espère plus tard compléter ces premiers documents et me livrer à la comparaison d€s rapports que présente la création mammalogique et ornithologique de ce cinquième continent avec celles des continents européen , asiatique , africain d'une part , américain et australasien de Pautre. Déjà M, le professeur Geof- froy Saint-Hilaire a annoncé que pour trouver dans d'autres cli- mats les genres des Mammifères les plus rapprochés par leur organisation de ceux de Madagascar, c'est dans l'Inde continen- tale et insulaire qu'il faut les chercher (Ij. On arrive au même résultat par l'étude des races humaines : on sait, en effet, que tous les anthropologisttjs s'accordent à considérer l'île de Madagascar comme le berceau , le point de départ de la race malaise , dont la dernière étape de séjour se trouve dans la presqu'île de Ma-

(l) Supplément à BufTon. Zoologie général* , p. 442

Tome VIIT. Année 1845. 4

50 REVDE zooLOGiQDE. (Fdmer 1845.)

lacca. C'est im nouveau fait à ajouter à tous ceux que nous espé- rons donner ultérieurement pour prouver la concordance qui existe entre les lois qui président à la distribution géographique des types mammalogiques et celles d'après lesquelles s'est effec- tuée la répartition des races humaines sur la surface du globe (1).

Ces préliminaires établis, et ils nous semblent de nature à expliquer l'origine et le premier mobile de notre publication ac- tuelle, nous passons à la description de nos quatre espèces. Deux d'entre elles appartiennent au type de Coucous à longs tarses , que Vaillant et M. Cuvier ont isolé du genre Cuculus de Linné sous le nom de Coua; la troisième fait partie du genre Glaréole ; la quatrième, des petites espèces du genre Bouvreuil. Je dédie la première de nos deux espèces de Coua à mon oncle , M. le professeur Serres, si connu des anatomistes de l'Europe par ses beaux travaux en anatomie transcendante et l'épithète spécifique que nous avons choisie rappellera à la mémoire la dénomination que l'illustre Meckel avait donnée au principe du développement centripète des organismes; la deuxième, au célè- bre Jean Reynaud , que l'on considère avec juste raison comme l'intelligence la plus encyclopédique de notre époque ; et la

(1) Nous avons déjà, dans la partie raammalogique du voyage de ta Vénus, à l'occasion d'uQ individu appartenante l'espèce du genre Felis, décrite par Guldensted et M.Temmincfe sous le nom de Fells rufa, dont M. le professeur Geoffroy Saint-Hilaire fils nous avait confié la description, nous avons déjà fait application à l'anthropologie des deux célèbres principes de géographie zoologique établis par notre immortel Bnffon. Voici comment nous non» sommes exprimés à ce sujet: « Aussi, disons-nous (p. 138), tous les zoologistes qui ont B suivi Buflon ont-ils sanctionné par leur approbation les vues de cet homme célèbre. B Nous dirons même que la distribution géographique des races humaines concorde par- » faitement avec les lois de distribution géographique que Buffon a établies. C'est la même « race qui, dans les deux continents, en Asie et en Europe, comme en Amérique , habite » les latitudes boréales. Dans les latitudes australes, au contraire, qui ne sait que les peu- « plades de l'Amérique du sud sont diCférenles de celles du sud de l'Afrique? Qui ne sait B encore que les nations qui peuplent l'Asie, les divers archipels de TOcéanie et le vaste » continent de la Nouvelle-Hollande ne sout point les mêmes que celles qui peuplent le » sud de l'Afrique et de l'Amérique?»

Dumoulin est le premier observateur moderne qui ait entrevu , du moins à notre con- naissance , la concordance entre les animaux et les races humaines sous le point de vue de leur distribution géographique. 11 fut dès lors conduit à admettre qu'il y avait de» centres particuliers de création pour les races, comme il y en a pour les animaux , mais comme, à l'époque il écrivait, la géographie zoologique était peu avancée , il n'essaya pas de déterminer si ces centres étaient les mêmes et pour les races et pour les animaux, }es Mammifères surtout. C'est ce qui nous semble exister, cependant, et pour en citer quelques exemples, les races humaines de l'Amérique du sud et de la Nouvelle-Hollande, ne sont-elles pas spéciales à ces continents, aussi bien que les Mammifères qui en sont originaires? N'en est-il pas de môme pour le continent asiatique et pour l'Afrique aus- trale? Nous ne faisons ici qu'énoncer ces principes, car leurs développements sont hérissés de difRcultés ; ils n'exigent rien moins, on le concevra, que la détermination exacte du nombre des races humaines éparpillées sur la surface du globe , problème dont la solution n'a entraîné , jusqu Ici , de la part des anthropologistes , que des opinions dJvergonles.

TRAVAUX INÉDITS. 5i

Glaréole au législateur liiinéen de la Tératologie , M. le professeur Geoffroy Sain t-Hilaire fils.

1* Coua Serriana. Brune olivâtre sur les parties supérieures du corps, celte espèce, qui a la taille du Coua Taitsou, à la gorge noire et le thorax rouge bai, de même que la partie la plus supé- rieure de l'abdomen. Les côtés de la région abdominale présen- tent les mêmes teintes que le dessus du corps ; ses parties dianes inférieures sont cendrées, ainsi que les couvertures inférieures de la queue. Les pennes caudales sont bleu d'acier en dessus , noires en dessous.

Coua Ileynaudii. Vert olivâtre en dessus, grise en dessous, cette espèce est principalement caractérisée par la calotte rousse qu'elle porte sur le dessus de la tête. Elle est de taille moindre que la précédente et à ces différences s'en joignent d'autres dans la forme du bec.

La dénomination générique que nous adoptons indique suffi- samment que, comme M. G. R. Gray l'a déjà fait(l), nous pen- sons qu'elle doit uniquement s'appliquer aux espèces de Coucou à longs tarses originaires de Madagascar. Le Coucou de la Caro- line étant le type du G. Coccyzus de Vieillot , et le bec s*y trou- vant différemment conformé, nous pensons qu'on doit réintégrer pour les espèces analogues le nom français de Coulicou. Mais de plus , la forme en lame de conteau de la mandibule supérieure du Coua Geoffroy , de M. Temminck, nous paraît de nature à légitimer la création d'un genre à part que nous désignerons sous le nom de Cultride , et l'espèce unique sous celui de Cultride de Geoffroy {Cultrides Geoffroy i, n.), de sorte qu'il est peu de genres dans la série ornithologique qui présentent autant de différences déterminées par les différences d'habitat.

Glareola Geoffroy i. Sauf la Glareola Limbata de M. Rup- pel , dont nous ne connaissons ni les caractères ni la patrie, la Glaréole Geoffroy est bien distincte de toutes les espèces dont M. Gray a récemment donné un synopsis (7). Noire sur la tête , brune avec reflets olivâtres sur le dessus du cou et le dos; grise sur le thorax ; rougeâtre sur la partie supérieure et médiane de l'abdomen , cette espèce est bien caractérisée , en outre , par une ligne blanche, qui partant de la base du demi-bec supérieur s'ar-

(1) List of gênera of Bird» , 3«^ cdit.

(2) The gênera of Bifds, part, l, m«i 1R4».

52 REVUK ZOOLOGIQUE. ( Février 1845.)

réte à l'œil, pour se continuer ensuite, dans une petite étendue, en arrière de cet organe.

40 Pyrrhula nana. Les parties supérieures sont brun couleur de terre, la gorge noire, le dessous couleur de litharge, mais très- effacée et les plumes du croupion et des couvertures supérieures de la queue terminées par une zone de couleur olive à reflets bronzés. Par sa taille , le Bouvreuil nain se rapproche des petites espèces de la famille des Pyrrhulince , dont M. Swain- sona fait le genre Spermophila.

Description d'une nouvelle espèce du genre Qarrulus; par M. Hartlaub.

Cette espèce de Geai fut découverte dans l'Altaï par M. Èvers- mann qui en tua six exemplaires, et qui lui a donné la dénomi- nation systématique de Garrulus Brandi H, en Vhonneur de M. J. G. Brandt, à Hambourg, marchand naturaliste bien renommé , qui m'a communiqué le bel exemplaire dudit oiseau dont je vous livre la description.

Garrulus Brandtii, Eversm. Dorso , tergo et tectricibus alae minoribus pure canis, uropygii plumis nonnihil isabellinO tinc- tis ; pileo toto , capitis lateribus colloque superiore et laterali lœte et dilute cinnamomeis , frontis et verticis plumis, ut in G. glan- dario, Iaxis, longiusculis , medio longitudinaliter nigris; stria utrinquepone oris angulum infra oculum ducta larga caudaque tota nigris ; rectricibus basi indistincte et interrupte griseo fas- ciatis ; tectricibus caudae superioribus et inferioribus niveis; alis ut in G. glandario pictis ; corpore subtus a gula ad subcaudales usque in fundo cano dilute cinnamomeo lavato ; rostro nigro, pedibus nigricante-fuscis. StaturaG. glandarii. Hab. Montes Altai.

Les espèces du genre Garrulus (sensu strictiore) sout les sui- vantes :

1. G. glandarius, L.

2. G. airicapillus , Is. Geoffr. St-Hilaire: Étud. zoolog. fas- cic. IIL Corvus stridens, Ehrenb. Symb. Physic. Av. dec. 1. G.melanocephalus , Gêné : Ann. de l'Acad. des Se. de Turin , vol. 37. Habite la Syrie : Mont Liban. Jamais vu en Grèce ^ suivant V. D. Mûhle.

3. G. ^ri/nîcA;«, KaleniczenkorBullet. Mosc. 1839, p. 319. Habite le Caucasus , la Daurieet l'Ukraine.

TRAVAUX INÉDITS. 53

4. G. Brandtiij Eversm. Habite rAltaV.

5. bispecularis ^ yig. G. ornatus, T. E. Gray, Hardw., 11- lustr. of Ind. Ornith. I. pi. 10, fig. 2 (?). Habite rHimaluja.

6. G. îanceolatus, ^li^. G. Fî^'orsiï, Gray, Hardw., Illustr.ï. pi. 9. Himalaja.

7. G. gulariSji. E. Gray, Hardw , lllustr. I., pi. 10. On ne connaît cette espèce que par la figure donnée dans les Illustra- tions of Indian zoology, du général Hardwicke. Voici une descrip- tion faite d'après ladite figure. - G. Supra vinaceo-cinerascens , subtuspallidior , in rosaceum vergens; pileo subcristato cœru- lescente atro ; gula, colloantico pectoreque superiore nigricante- griseis, maculis longitudinal ibus albis ; capitis lateribus nigris ; scapularibus , tectricibusque minoribus nigris , majoribus remi- gibusque primariis extus laete cœruleis , nigro fasciolatis , his fascia mediana alba notatis; secundariis margine externo albidis cauda ex lilacino cœrulea, nigro fasciolata ,apicepallida ,longa, rostro caerulescente. Long, circa 1 1" Habite l'Inde.

8. G. albifronsj. E.' Gray, Hardw., lllustr. II, pi. 12.— Es- pèce peu connue et indécrite. J'ajoute une description faite d'après la figure citée * G. pileo , collo , nucha corporeque subtus pal- lide ferrugineo rufescentibus ; fronte*et superciliis albidis, rec- tricibus pileo concoloribus, intermediis magis cinerascentibus ; remigibus nigris , corpore superiore reliquo brunneo-rufescente , dorso maculis nonnullis longitudinalibus obscurioribus; rostro brunneo, pedibus corneis. Long, circa 1 4" Hab. l'Inde : Cawnpore.

Nouvelle espèce de Bulime, décrite par M. Petit de la Saussaye.

Bulimus Caledonicus.Testdi ovato oblonga.crassaimperfora- ta,epidermide olivaceo , aut rufescente-aurantia, longitudinaliter rugosiuscula, transversius obsolète striata ; anfractibussenis, con- vexo-depressis , infimo spiram superante ; spira conica , apice obtusiuscula , sœpius decorticata; apertura augustata , sinuata , intus atro-purpurea ; peristomate crasso , eburneo ; labio reflexo, adnato, superne uniplicato , infra septiformi ; labro extra com- presso , superne valde emarginato, obtuso. Hab. la Nouvelle-Ca- lédonie.

Cette espèce qui appartient au groupe dans lequel rentre VAuricula auris bovinœ , est remarquable par les accidents de l'ouverture qui , au premier aspect, donnent à cette coquille une

54 REVUE zooLOGiooE. {Février 1845.)

sorte de ressemblance avec quelques Auricules , et même avec le genre Scarabus.

Cette coquille sera figurée incessamment dans le Magasin de Zoologie.

Vues sur la classification des F'erSt par M. Lereboullet , doyen de la Faculté des Sciences de Strasbourg.

Monsieur le prince de Canino a lu au congrès scientifique de Milan le travail suivant , que son auteur lui avait adressé. Le prince a bien voulu nous transmettre cet important mémoire , que M. Lereboullet destinait à la Revue Zoologique , et noua aous empressons de le publier.

Les caractères qui seront à établir les types ou les divisions primordiales des animaux doivent être généraux , c'est-à-dire nets, tranchés, propres sans exception, à tous les êtres qui font partie du groupe que l'on considère : telle est , pour les ver- tébrés par exemple , la disposition du système nerveux qui four- nit un caractère plus stable encore que l'existence du squelette, puisque celui-ci finit par se dégrader au point d'être réduit à une corde membraneuse. Si des animaux, dont la place est in- certaine , présentent dune manière nette et distincte un carac- tère qu'on aura reconnu pour être particulier à un type et conséquemment fondamental, ces animaux devront faire par-^ iie de ce même type, quand bien même ils se rapprocheraient, par quelques points de leur organisation , d'autres groupes de règne animal. Je crois que ces principes sont admissibles et que per- sonne n'en niera la valeur.

Le type des animaux articulés présente deux caractères géné- raux , savoir :

1* La position extérieure des organes passifs du mouvement qui sont , par suite de cette position même , segmentés et mis en mouvement par des muscles situés à l'intérieur des anneaux ;

2* La composition et la situation du système nerveux.

La disposition du squelette tégumentaire et celle des muscles qui en meuvent les parties , sont bien connues chez les articulés proprement dits. Cette disposition n'est pas aussi facile à constater chez les annélides ; du moins les auteurs qui ont décrit l'organi- sation de ces animaux , n'ont pas exposé d'une manière assez explicite l'arrangement des couches musculaires. Il s'agirait de

TRAVAUX INÉDITS. 55

vérifier si , dans les véritables annélides , les muscles forment des faisceaux qui s'attachent ù chacun des segments du corps. Cette disposition me paraît exister dans le Lombric terrestre, d'après la description que donne M. Morren du système muscu- laire de ce ver ; il est probable qu'elle existe aussi dans les autres annélides-. Or, s'il en est ainsi , il faut considérer la peau mem- braneuse de ces vers comme un squelette tégumentaire , tout aussi bien que la peau cornée ou calcaire des articulés propre- ment dits. Les annélides auraient donc avec Us articulés un premier caractère commun , caractère que nous avons reconnu comme fondamental.

Le système nerveux va nous offrir un autre caractère plus important encore, parce qu'il est plus stable. Ce système exerce , comme chacun sait , la plus grande influence sur la vie des ani- maux ; on sait aussi qu'il est sujet à peu de variations, et, c'est pour cela même qu'il fournit un excellent caractère pour l'éta- blissement des types. Voyez en effet ce qui a lieu dans les verté- brés : toujours , chez ces animaux , les parties centrales du sys- tème nerveux cérébro-spinal sont situées au-dessus du canal alimentaire , sous la forme d'un cordon renfermé dans un canal particulier ; cela se voit même chez les Ammocètes et lesMyxines, ces poissons dont la forme rappelle tant celle des vers. Ce cordon nerveux est symétrique, c'est-à-dire formé par la réunion, dans le sens longitudinal, de deux moitiés semblables.

Chez les articulés , nous trouvons un autre arrangement : le cordon nerveux principal est également symétrique , formé de deux cordons plus ou moins confondus entre eux, et situé, comme dans les vertébrés , sur la ligne médiane du corps ; mais ce cor- don est ventral au lieu d'être dorsal, il est au-dessous du canal alimentaire au lieu d'être au-dessus. (Je ne parle pas des gan- glions qui l'interrompent de distance en distance et qui peuvent devenir tellement petits qu'ils cessent, pour ainsi dire , d'être distincts lorsque la segmentation du corps est en quelque sorte infinie) (Lombric terrestre)» Eh bien , cette composition et cette disposition du système nerveux, si constantes dans les animaux articulés , existent aussi dans les annélides. Foilà donc un se- cond caractère, la disposition du système nerveux , que les annélides ont en commun avec les animaux articulés.

Ce second caractère joint au premier ne suftit-il pas pour faire

56 REVUE zooLOGiQDE. {Février iSib. )

regarder les annélides comme de vrais articulés ? Comment ? nous établissons un type , nous lui donnons pour signes distinc- tifs un squelette tégumentaire ou extérieur et un système ner- veux ganglionnaire sous-abdominal, et nous exclurions de ce type des animaux qui nous présentent les mêmes signes distinc- tifs ? et sur quoi motivera-t-on cette exclusion ? sur l'absence de membres articulés ? sur l'existence d'une peau membraneuse? sur la composition de l'appareil circulatoire ? sur la forme du corps ? Ne voit-on pas que ce sont des caractères d'un ordre , et qu'au milieu de cette diversité d'organisation , il y a un fait , un grand fait qui persiste : la double chaîne nerveuse sous-abdominale ?'

Nous nous Croyons donc en droit de déduire des réflexions qui précèdent cette première conclusion : Les annélides sont de véri- tables articulés ; elles tiennent à ce grand embranchement par tes caractères généraux qui le distinguent des autres types; on ne saurait les en séparer sans s'écarter des principes qui font la base des classifications naturelles,

11 nous reste à examiner maintenant s'il existe encore d'autre» animaux vermifôrmes qu'on doive réunir aux annélides. Les^ Nématoïdes, lesNémertes et d'autres vers, classés jusqu'ici parmi les intestinaux, formeront-ils avec les annélides un groupe parti- culier ?'

Au premier abord , la question paraît facile à décider, si l'on a égard aux caractères généraux énoncés plus haut. Il suffit , en effet, de rechercher si ces vers ont les muscles disposés comme ceux des annélides et si leur système nerveux consiste également en un cordon sous-abdominal plus ou moins noueux.

Pour ce qui est du premier de ces caractères , je ne crois pas qu'on puisse rien dire de positif dans l'état actuel de la science. J'ignore s'il est bien constaté que les Nématoïdes, par exemple, aient des faisceaux musculaires attachés de distance en distance sous les anneaux du corps , et si , par conséquent , la peau joue ici le rôle d'organe passif du mouvement et doit être considérée comme un squelette. Si cette similitude d'organisation existait, il ne faudrait pas trop se hâter de conclure à une communauté de type , surtout si nous trouvions des caractères différentiels plus importans. Or, ces caractères nous les trouvons précisément 4ans une disposition différente du système nerveux. Je ne citerai

TRAVADX INÉDITS. 57

pour exemple que les Pentastomes et \esNemertes ( 12* livraison des zooph. du R. animal); dans ces deux vers , le système nerveux: forme deux cordons parallèles qui partent chacun d'un gan- glion sus-œsophagien et régnent sur les cotés du corps. Ici la symétrie existe encore , mais les filets nerveux sont simples, au lieu d'être noueux ; ils sont séparés , au lieu d'être réunis ; t75 sont disposés sur les parties latérales , au lieu d'occuper la ligne médiane et inférieure du corps. C'est un plan différent , les animaux qui le présentent ne sauraient être confondus avec les annélides. Ce plan de composition du système nerveux est aussi celui qu'on a trouvé dans les Distomes et d'autres Trématodes.

Nous pouvons donc déduire cette seconde conclusion : Jl n'est pas encore démontré qu'on doive réunir aux annélides certains vers classés jusqu'ici parmi les intestinaux : la disposition qu'affecte le système nerveucc chez ces vers ne permet pas cette réunion.

Voyez maintenant ce qui arriverait , si l'on réunissait en un «eul groupe les annélides et les vers dont il est ici question. Quels caractères généraux donnera-t-on à ce groupe? On n'en trouvera ni dans la disposition du système nerveux, ni dans celle des téguments , encore moins dans les organes des fonctions de nutrition. Que sera dès lors un groupe auquel vous ne pourrez as- signer d'autre caractère général que la forme du corps? ce groupe incohérent sera composé d'animaux qui se rattacheront, d'une part , aux articulés , par leur cordon nerveux sous- abdominal , de l'autre , aux entozoaires parleur système nerveux bilatéral. Mais , dira-t-on , la forme allongée et annelée du corps est suffisante pour caractériser ces vers. C'est précisément un point de vue erroné que je ne saurais admettre. La forme est un caractère trompeur, parce qu'il est trop large et trop exclusif. C'est la con- sidération de ce caractère qui égarait Linné quand il plaçait les Cétacés parmi les poissons ; c'est ce caractère superficiel qui trompe tous les jours le vulgaire quand il prend les Ammocètes pour des vers , certaines Couleuvres pour des Anguilles, etc. La forme générale du corps donne quelquefois un excellent carac- tère quand il s'agit d'établir de grandes coupes : celle des ani- maux rayonnes , par exemple , et celle des animaux symétrique» ou binaires ; mais elle est insuffisante, le plus souvent , quand il s'agit de subdiviser ces coupes primordiales. A'ous remarquerez

58 REVDE ZOOLOGIQUE. (Février 1845.)

d'ailleurs que le système nerveux , quand il existe , répète la forme du corps : il est circulaire dans les animaux rayonnes, il est binaire dans les animaux symétriques. Mais , dans ces derniers , le système nerveux , toujours binaire , peut varier dans sa dispo- sition sans que la forme générale du corps traduise au dehors ces variations : ainsi les myriapodes , les annélides , les vers , ont la même forme générale , tandis que leur système nerveux est réuni en un seul cordon dans les uns , séparé en deux cordons dans les autres. Enfin il ne faut pas oublier, et cela ressort déjà de ce que j'ai dit plus haut , que les mêmes formes se répètent quelque- fois dans des types essentiellement distincts (Ammocètes , Myxi- mes, Cétacés , etc.) 11 faut donc renoncer, sous peine de retomber dans les défauts des classifications artificielles , à employer la forme du corps comme caractère général et exclusif.

Si Ton persiste à réunir en un seul groupe tous les animaux vermiformes ; si Ton continue , comme on l'a déjà fait dans quel- ques ouvrages classiques, à mettre en commun Annélides, Néma- toïdes, Némcrtes , Échiures , etc., je ne crains pas de dire qu'on tombera dans un véritable chaos , en rompant tous les liens de la méthode naturelle.

Telles sont les considérations que je crois devoir présenter et soumettre aux réflexions des zoologistes ; elles se résument en deux propositions :

Les annélides ne doivent pas être séparées des animaux arti- culés, puisqu'elles ont en commun avec* ces animaux : a) un système nerveux sous-abdominal occupant la ligne médiane du corps et formé de deux cordons réunis ; b) le corps divisé en seg- ments distincts, mis en mouvement par des muscles qui ont leurs points d'attache en dedans de ces mêmes segments.

Les animaux vermiformes autres que les annélides , chez lesquels le système nerveux est binaire et consiste en deux cor- dons séparés et situés le long des parties latérales du corps , ne doivent pas être réunis aux annélides ; ils constituent un groupe différent , ils appartiennent à.un type autre que celui des articu- lés , mais dans lequel on voit se répéter certaines formes parti- culières à ce dernier type.

ANALYSES D OUVRAGES NODVBAUX. 59

H. ANALYSES D'OUVRAGES NOUVEAUX.

Voyage autour du monde sur la frégate la Fénus, Physique , par M. DE Tessan , ingénieur hydrographe.

Cinq volumes d'observations de physique sont dus à cet habile géomètre, mais dans le cinquième se trouvent quelques obser- vations de zoologie, que nous rapportons ici avec d'autant plus d'empressement qu'elles se trouvent dans un ouvrage que les toologistes n'auront peut-être jamais l'idée ou l'occasion de compulser.

Au Gallao et Lima l'auteur, étant dans un canot, a va un poisson volant battre d'abord des ailes et les faire vibrer ensuite en planant, il décrivit une courbe à l'avant du canot , peut-être la queue vibrait-elle aussi, mais l'auteur n'en est pas certain; cette observation est contraire à l'opinion reçue , qui n'admet les ailes du poisson volant , que comme faisant les fonctions de parachute. '

Au Kamschatka : un énorme nid placé à trois à quatre mètres du sol sur un arbre, ayant attiré Tattention, on reconnut qu'il était formé de branches souvent aussi grosses que le bras ; les habitants interrogés , répondirent que c'était un nid d'ours ; peut-être la rigueur du climat, qui ne permet pas de creuser des cavernes , a-t-elle forcé ces animaux à ce m|)de de demeure. A Monterey, on vit un jeune ours privé allaité par une chienne quatre fois plus petite que lui , et comme il ne trouvait pas toujours le lait qu'il désirait, il maltraitait fort sa nourrice qui n'opposait aucune défense.

Iles Charles aux Gallapagos ; sur les roches de la côte existe une espèce d'Iguane, de 0™. 5 c. de longueur, et que l'on peut considérer comme amphibie d'eau salée , car quand ces sauriens sont effrayés ils sautent à l'eau et se cachent sous les roches ; (cette observation est très-extraordinaire : ne serait-ce pas quelque espèce de Triton ou genres voisins)? l'auteur dit n'avoir retrouvé cet animal en aucun autre endroit.

Yol des oiseaux : l'auteur ayant eu si souvent occasion d'ob- server les albatros et autres oiseaux qui s'éloignent à de si grandes distances de terre, en est venu à regarder la théorie du vol , donnée par Cuvier, comme tout à fait fausse, et il en doit être ainsi quand l'on considère que Navier , malgré toutes les atté-

60 REVUE zooLOGiQOE. {Février 1845.)

nuations qu'il apporte à son propre calcul , atténuations qui réduisent l'effet trouvé au dixième de ce qu'il devrait être, admet encore que la force musculaire nécessaire à l'hirondelle pour voler est égale à la force musculaire d'un homme. En appliquant les calculs de ce minimum de Navier, au vol d'un albatros, eu égard à son poids et à son envergure il faudrait, pour Je faire mouvoir , une force égale à celle de 150 chevaux de vapeur m L'auteur donne ensuite le poids d'un albatros qui était de 9 kilog. et la mesure très-exacte de toutes les parties , pour aider les personnes qui voudraient s'occuper d'une nou- velle théorie ; voici , quant à lui , l'idée qu'il émet ; quand les albatros volent, les ailes parfaitement roides et un peu concaves en dessous, font tout à fait l'effet d'une voile offerte au vent, par la tranche , il est probable que la simple inclinaison à droite, à gauche, par l'articulation humérale, suffit pour diriger l'oiseau en haut , en bas, à droite ou à gauche ; tous les deux , trois ou cinq minutes , l'oiseau donne un coup d'aile ,'mais ce coup, loin de servir à le faire avancer, doit seulement être considéré comme un moment de repos pour les muscles pectoraux qui tiennent l'aile tendue , pour s'opposer à l'effort de l'air qui tend toujours à les rejeter sur le dos de l'oiseau , dans ce moment l'aile de concave devient sinueuse et le bout se relève un peu ; la partie postérieure de l'aile , quand elle est tendue , est agitée d'un mouvement de vibration très-léger, mais qui, peut-être , n'est que l'effet de la résistance de l'air ; cependant c'est dans ce mouvement que l'auteur pense que l'on doit chercher la solu- tion de la théorie du vol, qui ne serait alors qu'une direction, puisque la résistance de l'air seul suffirait pour porter l'oiseau , comme on le voit pour un cerf- volant; à l'appui de cette idée , il fait remarquer que les albatros ne peuvent s'élever du pont d'un navire ils sont posés , et même de dessus l'eau en temps calme ; que, dans les temps ordinaires, quand ils veulent prendre leur vol, ils se présentent debout au vent les ailes étendues, jusqu'à ce qu'ils se trouvent au sommet d'une vague, qui au moment elle les abandonne, les laisse en l'air et leur permet de s'élever (voir pour plus de détail tout ce passage, page 108 et suiv., et d'autres indiquées à la table).

Parmi les observations thermomélriques , nous trouvons les suivantes qui sont d'un véritable intérêt pour la zoologie.

ANALYSES d'oUVRAGES NOCVEAUX. 61

Température du cœur d'un Thon. 190,0. Tempér. de l'eau à la surface 180,8.

- 170,3. 150,0.

d'un Pétrel de grande espèce 38*, 3.

-^-^ du cœur d'un Requin 290,0. eau à la surface 270,0.

Le cœur de ce requin, mis à sec dans un vase de porcelaine, a battu encore 2 heures 30 minutes , dans les premiers moment» les contractions se succédaient à 5" 6 , puis elles se sont ralentie» pour cesser enfin complètement.

Tempér. du cœur d'un Requin commun, femelle 3io,o 1 ^^^ ^ j^ surface 27* 8.

à peau bleue, mâle. 290,0 j '

d'un jeune marsouin 370,0 eau à la surface 110,0.

de plusieurs marsouins 360,0 eau à la surface 160,3.

On voit par le peu que nous citons, que les zoologistes trou- veront un grand avantage à consulter ce volume; indépen- damment de ce qu^il renferme du plus haut intérêt pour les jsciences physiques. A. P.

BÏAMMiFÈKES , classification parallélique de M. I. Geoffroy Saint-Hilaire , d'après laquelle sont rangés les mammifères dans les galeries du Muséum d'histoire naturelle. Tableau dressé en 1837, et retouché pour l'addition des genres nouveaux en 1845, par M. J. Payer.

Nous avons déjà exposé la méthode parallélique de M. I. Geoffroy Saint-Hilaire dans cette Revue, 1838, p. 217 à 221. Son auteur n'y a rien changé depuis cette époque, il l'a suivie dans ses cours , si goûtés du public savant , et c'est pour répondre au voeu des nombreux audi.teurs de M. I. Geoffroy Saint-Hilaire , que l'un d'eux, M. Payer, a eu l'idée de publier le tableau com- plet que nous annonçons aujourd'hui.

Ce tableau sera très-utile , non-seulement aux personnes qui suivent le cours de M. I. Geoffroy Saint-Hilaire, mais surtout aux savants de tous les pays qui ne peuvent profiter de cet avan- tage , aux professeurs des facultés des sciences , ajix voyageurs qui veulent avoir une idée précise des objets qu'ils recueillent , sans être obligés d'emporter une bibliothèque complète, etc., etc^ On doit donc des remercîments à M. Payer, pour avoir publié cet utile tableau. (G. M.)

62 RRVCE zooLOGii^OK. {Février 1845.)

<• Observations sur un Mémoire de M. Nicolcty concernant les PODURELLKS, par M. l'abbé Bourlet. Les Podurelles sont peut-être de tous les Insectes les plus difficiles à étudier, tant sous le rapport de l'organisation que BOUS celui des mœurs. Leur exiguïté , la mollesse de leur corps , que la mort ne tarde pas à déformer et à rendre méconnaissable, les variations de taille et de couleur dans les mêmes espèces , les anomalies dont quelques-unes sont affectées , leur vie presque toujours solitaire et cachée , hérissent à chaque pas cette étude des plus grandes difficultés. J'ai consacré plusieurs années à l'ob servation de ces insectes , et , bien que j'aie borné mes travaux à leur organisation extérieure et à quelques recherches sur leurs habitudes, je sais combien les quelques notions que j'ai obtenues à cet égard m'ont coûté de peine et de temps. C'est que je suis convaincu qu'en histoire naturelle surtout, aucun fait ne doit être avancé qu'il ne soit rigoureusement exact et ne puisse être faci- lement constaté, Fitam impenderevero , telle doit être la devise de tout naturaliste consciencieux. Guidé par ce principe, j'ai re- noncé à décrire les organes internes des Podurelles, lorsqu'après beaucoup d'essais infructueux , beaucoup de temps perdu , après m'être aidé des meilleurs instruments et avoir employé les moyens les plus propres à assurer le succès de mes observations, je reconnus l'impossibilité de débrouiller cette abstruse et im- perceptible organisation. Grande fut donc ma surprise quand je lus les découvertes anatomiques publiées sur les Podurelles, par M. Nicolet. Me défiant de moi-même , craignant d'avoir manqué de 'persévérance ou des moyens nécessaires pour réussir, stimulé par l'espoir de découvrir enfin quelques-uns de ces organes si bien vus par M. Nicolet, je repris le microscope, et longtemps je me fatiguai la vue, variant de mille manières mes observations et mes procédés ; eh bien , si j'en excepte l'oviparisme des Podu- relles, désormais positivement constaté, les organes buccaux , un peu mieux aperçus , et quelques autres particularités peu in- téressantes, cette fois encore mes efforts furent vains. A la vérité j'ai bien aperçu quelque chose qu'on pourrait prendre pour un tube digestif, quelque autre chose ressemblant un peu à des filets nerveux , certains autres filets qu'on pourrait supposer être des trachées , sur l'épiderme quelques dépressions irrégulières ne ressemblant guère à des stigmates, etc., mais aucune de ces

ANALYSES d'OOVRAGES NOOVEAnX. 6S

chosef ne se présente, je dois le dire , avec assez de netiece ec de précision pour pouvoir être décrite d'une manière exacte , à moins que l'esprit ne supplée par l'analogie à ce que l'œil ne voit pas. A quoi dois-je imputer ce fâcheux résultat? Si j'étais étran- ger à l'étude des Podurelles, ou novice dans l'art de manier le mi- croscope , si j'avais été avare de temps et de patience , avec la même franchise qui me fait avouer ici mon insuccès, je confes- serais que je ne dois m'en prendre qu'à mon inhabileté. Ne pou- vant en conscience faire un pareil aveu , mais n'étant pas obligé non plus d'en croire sur ^iàrole M. lSico\et(t estis unus , iesiis nullus)y d'un autre côté ne voulant pas mettre en dénégation ses découvertes , je prends un parti qui , je l'espère , ne lui dé- plaira pas, celui d'en appeler au jugement des ^entomologistes , de ceux surtout qu'une longue habitude a familiarisés avec les observations microscopiques. Si M.Nicolet a foi dans les siennes, non-seulement il ne se formalisera pas de l'examen vérificatif que je propose, mais il le'provoquera lui-même, comme pouvant seul imprimer aux faits observés par lui ce caractère et cette sanction dont ils ont besoin pour être associés au domaine de la science.

Quanta sa classification spécifique, c'est autre chose. Après un assez grand nombre d'années spécialement consacrées par moi à la recherche et à la détermination des coupes génériques et des espèces de cette famille , je crois être à même de juger de la légi- timité de celles créées par M. Nicolet.

Il y a longtemps que l'avertissement en a été donné par plu- sieurs bons esprits ; la manie de multiplier les espèces sans raison et sans mesure ne peut manquer, si elle n'est réprimée , de jeter la confusion dans les sciences naturelles. Bientôt, en effet, cet abus continuant , ces sciences ne se présenteront plus que comme un immense océan Ton ne trouvera ni fond , ni rive , et sur lequel le plus intrépide naturaliste ne se hasardera plus qu'en tremblant. Le seul moyen d'arrêter ce désordre , c'est de s'atta- cher désormais à restreindre le plus possible le nombre des es- pèces , en soumettant à un examen sévère toutes celles créées jus- qu'ici , et de n'en admettre de nouvelles qu'après leur avoir fait subir la même épreuve. Dût- on s'exposer par à en confondre plusieurs en une seule , le mal serait moins grave , à mon avis , que le défaut contraire , ce défaut pouvant entraîner dans de

64 REVUE zooLOGiQDE. ( Févricf 1845.)

dangereuses méprises , et compromettre la science, notamment quand il s'agit d'Insectes aussi exigus et aussi variables que les Podurelles. Véritables protées pendant leur jeunesse , ce n'est que dans Tâge adulte que les caractères spécifiques de ces in- sectes se révèlent , se trouvent fixés et peuvent être saisis et dé- crits.avec certitude. Il faut donc , avant tout, lorsqu'on veut dé- crire et classer une Podurelle , s'assurer qu'elle est entrée dans la seconde période de sa vie. Mais la détermination de cette épo- que offre elle-même d'assez grandes difficultés. L'âge adulte est caractérisé chez les Podurelles par la cessation de la mue : mais comment s'assurer qu'elles ont cessé d'être soumises à ce phéno- mène? Nul autre moyen , je pense , que celui que j'ai employé : il faut que l'insecte, recueilli le plus jeune possible, ait été élevé, pour ainsi dire, sous les yeux de l'observateur ; de cette ma- nière on a pu en étudier toutes les variations, et les suivre jus- qu'à l'époque on les a vues cesser avec le phénomène qui les occasionnait. J'ajouterai qu'il faut en outre tenir compte de cer- taines influences , telles que celles qui résultent des localités et des saisons. VJEtheocerus rufeseens, par exemple , est plus velu et plus brun l'hiver que l'été ; le Podura cursitans peut se trou- ver sur les murs, dans les maisons , sous l'écorce, sous le feuil- lage des arbres, sur les champignons, dans les lieux secs, dans les lieux humides, etc. Sa coloration est différente suivant ces différentes stations. Aussi cette espèce est-elle si variable qu'à moins qu'elle ne soit adulte , on n'en rencontre jamais deux in- dividus exactement semblables. On ne doit donc pas s'étonner que M. Nicolet en ait fait onze. On verra que c'est ce qui lui est arrivé pour bien d'autres.

Maintenant je vais indiquer quelques-unes des observations anatomiques de M. Nicolet, sur lesquelles j'appellerai l'attention des entomologistes. Je passerai ensuite à l'examen de ses espèces.

OEufs. M. Nicolet a vu les OEufs des Podurelles composés des parties suivantes : 1 . La vésicule germinative. 2. Le jaune. 3. La membrane du jaune. 4. L'albumen. 5. La membrane du blanc. 6. L'enveloppe externe, laquelle est elle-même composée de deux membranes. Parmi ces OEufs il en est de lisses , de pointillés, de réticulés, d'épineux, de velus. La matière constitutive du jaune est composée de petits corps globuleux, qui sont des cellules em-

ANALYSES d'oUVKAGES NOUVKAUX. 65

bryonales dont le centre est occupé par une vésicule blanche , le nucleus , autour duquel sont répandus les corpuscules nutritifs. Pag. 18 etsuiv.

Téguments. La peau des Podurelles est composée de trois cou- ches : répiderme. la muqueuse et le derme. L'épiderme est percé d^une infinité de trous tantôt ronds, tantôt carrés. Pag, 22.

Yeux. Les yeux sont situés sur des plaques composées de deux membranes , entre lesquelles se trouve une bouillie noire et épaisse, et dont la supérieure est percée d'une infinité de pores rangés par compartiments. Pag. 28.

Système nerveux. Ce système se présente sous la forme d'un double cordon médullaire qui s'étend depuis la tête jusqu'à l'ab- domen et se termine par un ganglion ovoïde duquel partent trois autres cordons, dont l'un se rend en ligne droite à l'extrémité postérieure du corps ^ et les deux autres, obliquant à droite et à gauche, se perdent dans le premier segment abdominal. Il y a trois autres ganglions, dont l'un correspond au thorax, et les deux autres constituent le cerveau, et portent les nerfs optiques et les nerfs antennaires. Pag. 44.

Organes digestifs. Le tube digestif se compose de l'œsophage j du jabot, du ventricule chilifique (1), des vaisseaux hépatiques, de l'intestin grêle et du cœcum. Suit la description de chacune, de ces parties. Pag. 46.

Organes respiratoires et circulatoires. Les Podurelles ont huit stigmates placés sur les quatre premiers arceaux de l'abdomen. Les trois premiers segments portent en outre chacun quatre points enfoncés, que M. Nicolet présume être des ouvertures trachéennes , ce qui porterait à vingt le nombre des stigmates des Podurelles. Pag. 47.

M. Nicolet a vu les trachées de ces insectes, leur forme, leur position , leurs ramifications. 11 a vu également, non-seulement la circulation du sang , mais la composition de ce fluide lui- même, dans lequel il a observé des globules tantôt gros et sphé- riques , tantôt ovoïdes et comprimés, etc. Le mouvement du sang se manifeste par celui de ces globules , et s'opère par pulsations en partant de la tête : il en a compté jusqu'à cent soixante par minute. Vient ensuite la description du vaisseau dorsal des Podurelles, que l'auteur a vu composé de neuf cellules^ séparées

(i) M. Nicolet écrit partout chtlifére.

Tome YlII. Année 18^5. 5

66 REVUE ZOOLOGIQUE. [Février 1845. )

par des valvules : les ouvertures latérales lui ont échappé, mais il ne doute pas qu'elles n'existent. Ibid.

Inutile de répéter que j'ai eu le malheur de ne pas voir, ou de ne voir que fort confusément toutes ces choses. Mais je ferai re- marquer, 1* que si les Podurelles portaient quatre stigmates sur chacun des trois premiers segments , comme le pense l'auteur, cela serait contraire à la loi générale , chaque segment n'ayant jamais chez les insectes plus de deux de ces ouvertures ; que l'auteur, en faisant mouvoir le sang de la tête vers l'extrémité postérieure du corps , est en contradiction avec tous les entomo- logistes qui ont observé le vaisseau dorsal des insectes, et entre autres, avec M. Lacordaire {Introduction à l'entomologie , t. 2, pag. 72). D'après cet auteur, le sang circule d'arrière en avant, en passant de la cavité abdominale dans la première cellule pos- térieure , et de celle-ci successivement dans les suivantes. Du reste, il est extrêmement remarquable que tout ce que dit M, Nicolet des organes internes ainsi que de plusieurs des parties externes des Podurelles, offre jusque dans les termes une identité frappante avec les descriptions que donne de ces mêmes organes pour les insectes en général , M. Lacordaire dans l'ouvrage pré- cité, au point qu'on serait porté à penser que les descriptions de M. Nicolet ont pu tout aussi bien être calquées sur celles de M. Lacordaire , que tracées d'après nature. C'est une idée qui ne peut manquer de se présenter à tous ceux qui compareront atten- tivement les unes et les autres.

Espèces établies par M. Nicolet. La plupart de ces espèces ont été formées , ainsi que je l'ai dit, sur les variations de taille , de couleur, de faciès , que présentent les Podurelles dans leur jeu- nesse, variations multipliées dans certaines espèces presque à l'infini , et qui , disparaissant dans l'âge adulte , ne sauraient constituer de véritables caractères spécifiques. C'est de quoi pourra se convaincre M. Nicolet s'il continue d'étudier les Podu- relles; il ne tardera pas à reconnaître qu'avec de pareils carac- tères, il pourrait facilement doubler, quadrupler, multiplier à volonté le nombre des espèces. Cette méprise, du reste, ne m'étonne pas ; moi-même je l'avais d'abord partagée ; mais m'en étant aperçu à temps, je réformai la plus grande partie de mes espèces, et, quoique celles que j'ai données dans mon premier mémoire (en 1839) me parussent alors dûment constatées, on

ANALYSES d'OUVRAGES NOUVEAUX, 67

peut voir que j'en ai encore supprimé plusieurs dans mon second mémoire (1) (en 1842). Je me bornerai ici à indiquer celles de mes espèces auxquelles se rapportent celles de M. Nicolet.

AcHORUTES. A. Tuberculatus, esp. n.

Anarophorus. a. fimetarius (2). Adicranus fimetarius y Bourlet. A. laricis. Adicranus corticinus , Bourl.

PoDURA. P. aquatica, Hypogastrura aquatica, Bourl. P. similata^ Hypogastrura murorum, jeune, Bourl. P. cyanocephala., la même, jeune. P. cellaris, la même. P. armala, Podura palustris, Bourl. P. rufescens,— ff ijpo g astrur a aquatica , jeune, Bourl (3).

Desoria. D. glacialis, esp. n. voisine de la Podura arborea, Bourl./?, virescens, Podura trifasciata, Bourl. D. tigrina^ la même. D. fulvomaculata , Podura bifasciata, Bourl. J). cinerea, Podura nivalis, Bourl. D. cylindricay Podura villosa, Bourl. D. viaiica^ la même. D. pallida, la même. /?. ebriosa, la même. D. annulât a , Podura annulata, Bourl. D. riparia, Podura palustris^ Bourl. D. fusca, la même plus petite.

Cyphodéirus. C. capucinus , Lepidocyrtus curvicollis, jeune, Bourl. C. gibbulus, le même, plus petit, jeune. C. Iignorum,\e même. C. pusillus, le même. C. ceneus , le même, un peu plus âgé. C, agilis y le même, d'une teinte brune, due à rage ou à la localité. C. parvuluSy la même. C, Albinos,-^ Lepidocyrtus argentatus,^m\.

ToMOCERus. T. plumbeus, Macrotomu plumbea. (Cette espèce ne contourne pas ses antennes en spirale , comme le dit

(1) C'est à quoi n'a pas fait attention M. Lucas, qui, dans le compte qu'il a rendu de ce dernier ouvrage (Annales de la société Entomologique de France, 1843, 3* et W tri- mestres), a réuni toutes les espèces des deux mémoires. J'avertis que je ne reconnais que les espèces décrites dans mon mémoire de 1842.

(2) M. Nicolet dit avoir compté vingt-huit yeux dans cette espèce : je n'ai pu en décou- vrir un seul.

(3) C'est en tête de mon genre Hypogastrura que vient se placer VAchorutes Incla- nensisdc M. Waga, espèce extrcmeineiit remarquable, très-distincte, longuement et fort bien décrite par l'auteur, et dont j'ai tracé ainsi qu'il suit les caractères diagnostiques, sur deux individus qui m'ont été envoyés vivants par H. Guérin-Méneville. en septembre 1843 : 2-3 mill. corpore nigro, tarsis albis, caudœ dentibus albidis, pilis albis , oculis nullis. Même couleur et même forme que VUypog. murorum, mais beaucoup plus grande, nolr« «n dessus, blanch^lilre en dessous, tarses et poils blancs, dents de la fourche blanchâtres, un peu plus longues que dans les autres espèces, quelques crénelures à l'extrémité supé- rieure de l'abdomeu, pas d'yeux visibles.

M. Waga dit que cette espèce est cendré-hleuàtre en dessus. Les individus que j'ai exa- minés . et qui étaient adultes, étaient noirs en dessus , absolument de la même couleur ijue YHyp. tnurorum , ce qui indiquerait que cette espèce passe , avec l'âge , du cendré- bl«uùtrc au noir.

(j8 revue zoologiqde, (Février 1845.)

M. Nicolet ; cette faculté n'appartient qu'à l'espèce que, pour cette raison, j'ai nommée Spiricornis.) T. celer ^ le même plus jeune.

Degecru. Les onze prétendues espèces de ce genre appartien- nent toutes à mon espèce Podura cursitans, laquelle, ainsi que je l'ai dit plus haut, varie de mille manières dans sa jeunesse. « Cette espèce, ai-je dit dans mon second mémoire sur les Podu- relles , varie beaucoup, et pour le fond de la couleur, et pour le nombre , la forme et la disposition des taches : elle est le plus souvent d'un fauve pâle, quelquefois d'un gris violet, d'un gris rougeâtre ou jaunâtre. * La. Podura ct^mfans diffère considéra- blement de ses congénères, mais pas assez pourtant, selon moi, pour nécessiter la formation d'un nouveau genre , n'étant réellement distinguée des autres Podura, Bourl., que par ses antennes plus longues, sa tète plus petite, son corps fusiforme , le plus grand développement du quatrième segment abdominal , et sa couleur. J'avais cru d'abord pouvoir distinguer quatre ou cinq variétés de cette espèce ; mais je me suis assuré que les diffé- rences , dues seulement à l'âge , aux localités , ou à d'autres cir- constances fortuites, se rapprochent et se confondent de manière à ne laisser entre elles aucune limite caractéristique bien marquée.

Orchesella. O. melanocephala , Mthescerus rufescens^ Bourl. O. villosa^ la même, un peu plus brune et plus velue* O. fasCuosa, Mtheocerus pulchricornis , Bourl. O. unifas- data, jEtheocerus cinctus, Bourl. 0, sylvdtica, Mihto- cerus rufescens, Bourl. Quand les taches sont plus grandes et plus intenses , alors elles paraissent constituer le fond de la robo de l'insecte, et le jaune former les taches. O, bifasciata, mtheocerus cinctus^ Bourl.

Sminthurus. s, signatuSj Dicyrtoma dorsimaculata , va- riété, Bourl. S,oblonguSy esp. n.*! S.viridis, Sminthurus mndî5, Bourl. S, fuscus, Dicyrtoma atropurpurea, Bourl. S. arnatus , autre variété du Dicyrtoma dorsimaculata. S. Couloniiy le même. l'abbé Boublet.

Douai, 23 janvier 1845.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 69

m. SOCIÉTÉS SAVAIVTES.

Académie royale des sciences de Paris.

Séance du 3 février t845. M. Milne Edwards lit un mé- moire ayant pour titre : Recherches zoologiques faites pendant un voyage sur les côtes de Sicile.

Nous n'entreprendrons pas d'analyser ce travail qui occupe 17 pages in-4'^ du compte-rendu, mais nous profiterons de l'ar- ticle qu'un anatomiste très-instruit, M. le docteur Théophile Rous- sel , a publié à son sujet pour faire connaître les tendances ce travail et sa véritable valeur scientifique.

< Encore le phlébentérisme ! nous pensiops en avoir fini pour longtemps avec cette théorie, nous pourrions dire avec cette illu- sion zoologique ; nous nous trompions. Nous avions demandé des faits et des preuves; c'est enfin avec des faits et des preuves qu'elle vient de reparaître devant l'Académie ; mais ce n'est déjà plus le phlébentérisme tel que nous l'avons présenté , tel que nous l'avons critiqué : c'est un phlébentérisme aux proportions plus exigujës, aux traits plus radoucis , ne heurtant plus de front la philosophie zoologique , cherchant à s'accommoder avec les idées admises et s'appuyant même sur l'autorité de Cuvier. On pourrait même dire que ce n'est plus le phlébentérisme , car ce mot lui-même est évité avec le soin que mettrait un théologien suspect à ne point prononcer une parole hérétique.

» Pour nous cependant il y a un lien manifeste et intime entre les faits et les théories que M. Milne Edwards a exposés hier à l'Académie et les faits et les théories combattus par M. Souleyet. Ceux-ci ne sont qu'une conséquence, une exagération de ceux-là, et les uns sont solidaires des autres. Ce qui le prouve, c'est l'em- pressement même avec lequel le savant académicien est monté sur la brèche pour relever un étendard renversé et pour une cause qui était en partie la sienne. Nous le félicitons d'avoir^ porté le débat sur le terrain que nous avons indiqué comme le seul il soit aujourd'hui possible de combattre , le terrain des faits; d'être arrivé avec des pièces anatomiques et des dessins représentant fidèlement la nature. Ce sont les véritables élé- ments de la discussion ; nous les avons examinés avec le soin qu'ils méritent , et nous dirons franchement ce qu'ils nous pa- raissent établir ; mais auparavant nous pouvons affirmer qu'ils

70 REVUE ZOOLOGIQUE. {Février 1845.)

ne changent rien à ce que nous avancions dans notre dernier article , qu'ils n'ébranlent aucune des observations de M. Sou- leyet , qu'ils ne confirment aucune des assertions de M. de Qua- trefages. Au reste , cela ne pouvait être autrement, puisque les recherches de M. Milne Edwards portent sur des Mollusques différents de ceux qui ont été étudiés par ces deux naturalistes. Au point la question est parvenue, il est très-essentiel de dis- tinguer deux choses : les faits , et les tendances ou la théorie. Les tendances de MM. Milne Edwards et de Quatrefages sont à peu près les mêmes, et leur théorie diffère peu, quoique beaucoup plus acceptable et mieux adaptée à l'observation chez l'un que chez l'autre. Quant aux faits, il y a d'une part ceux qui ont été allégués en faveur du phlébentérisme proprement dit; ceux-là ont été réfutés , et il n'y a pas eu de réplique ; il y a ensuite les faits qui se présentent aujourd'hui en faveur d'un phlébenté- risme modifié; ce sont des faits nouveaux, et ceux-là seuls doi- vent nous occuper.

» Le mémoire dans lequel ces faits sont rapportés a pour titre : Recherches sur la circulation chez les Mollusques. Y oic\ d'abord ïes conclusions pour lesquelles ils servent d'appui :

» M. Milne Edwards reconnaît avoir longtemps partagé avec Cu- vier, Meckel , M. de Blainville, etc., cette opinion, qu'il regarde aujourd'hui comme une erreur, à savoir que chez tous les Mol- lusques l'appareil de la circulation est complet comme chez tous les Vertébrés. II croit pouvoir démontrer, l*' que l'appareil vascu- laire n'est complet chez aucun Mollusque ; que dans une por- tion plus ou moins considérable du système circulatoire, les veines manquent toujours et sont remplacées par des lacunes ou par les grandes cavités du corps; que souvent les veines man- quent complètement , et qu'alors le sang , distribué dans toutes les parties de l'économie au moyen des artères , ne revient vers la surface respiratoire que par les interstices dont il s'agit.

» A l'appui de ces propositions, M. Milne Edwards cite quelques expériences faciles à répéter et qui lui paraissent décisives. Il injecte du lait dans la cavité abdominale du colimaçon. « Le lait, dit-il , s'y mêle au sang veineux arrivant des diverses par- ties du corps, pénètre avec ce liquide dans les vaisseaux affé- rents du poumon , passe dans les veines pulmonaires et s'intro- 4iiit enfin dans le cœur qui bientôt le chasse dans les artères. »

SOCIÉTÉS SAVANTES. 71

11 répète la même expérience avec une dissolution de gélatine colorée par un précipité abondant de chromate de plomb , et arrive aux mêmes résultats.

» Tout le monde comprend que de semblables expériences n'ont rien de décisif; elles n'ont même rien d'inattendu. On sait que non-seulement chez les Mollusques, mais chez les Vertébrés, les liquides injectés dans la cavité du péritoine passent dans les veines, parce que la surface péritonéale est à la fois absorbante et exhalante. M. Milne Edwards a pressenti cette objection , et pour démontrer que le passage dont il s'agit n'est pas un simple fait d'absorption , il a poussé des injections colorées dans les vaisseaux, et a vu ces matières s'épancher dans la cavité viscé- rale , puis arriver au poumon. Mais cette épreuve a-t-elle la va- leur que lui suppose M. Milne Edwards? Chez les animaux supé- rieurs , on a fait pleuvoir sur les séreuses le mercure injecté dans les vaisseaux , et qui ne connaît d'ailleurs les prodiges opérés par la pompe foulante des injecteurs ? Tout au plus pourrait-on accorder à M. Milne Edwards que les voies de communication entre les surfaces séreuses et les canaux propres du fluide nourri- cier sont plus largement ouverts chez les Mollusques que chez les animaux supérieurs , mais ce n'est point le fond de la ques- tion : il s'agit desavoir si le sang des artères vient se réunir dans l'abdomen des Mollusques , baigner immédiatement les viscères contenus dans cette cavités et s'il passe de à l'appareil respira- toire sans l'mtermédiaire des veines. Eh bien! sur ces deux points, nous avouons que les pièces et les dessins de M. Milne Edwards ne prouvent absolument rien. Ils ne prouvent pas qu'il n'existe pas de canaux veineux , puisque les canaux se voient fort bien injectés et sur les planches et sur les préparations ana- lomiques ; ils ne prouvent pas davantage que la cavité abdomi- nale est le rendez-vous, si l'on peut parler ainsi , du fluide nour- ricier, car on comprend qu'une semblable démonstration ne peut «tre fournie que sur l'animal vivant lui-même et pendant que ce fluide circule encore. M. Milne Edwards le comprend bien, puisque dans une note marginale il dit avoir examiné le liquide contenu dans l'abdomen et celui des vaisseaux et l'avoir trouvé composé , dans les deux cas , de globules en apparence identi- ques; nous ne nions point cette similitude, mais suffit-elle pour ^transformer la cavité du péritoine en un des réservoirs princi-

72 REVUE zooLOGiQDE. {Février 1845.)

paux de la circulation ? Un fait aussi grave ne devrait-il pas être examiné de nouveau et avec le plus grand soin, et les preuves de devraient-elles pas en être données ailleurs que dans une note marginale?

» Revenons aux veines. 11 faut reconnaître que les recherches de M.Milne Edwards, sur V^plysie, tendent à prouver que les dis- positions du système veineux éprouvent chez ce Mollusque de notables modifications. Déjà Cuvier avait aperçu que la cavité abdominale de l'Aplysie n'était point tapissée par une membrane péritonéale continue , mais que cette membrane offrait une sorte de sinus criblé , communiquant avec d'autres lacunes sous-cu- tanées. Delle-Chiaje avait aussi observé le même fait sans lui chercher de signification ; mais M. Milne Edwards , en injectant sur des Aplysies vivantes des liquides colorés, a vu que cet en- semble de lacunes tient lieu de veines et transmet directement le liquide nourricier à l'appareil respiratoire. Cette disposition cellulaire , caverneuse , si l'on peut dire ainsi , de l'appareil vei- neux de TAplysie , est en rapport avec la turgescence remar- quable qu'on observe chez ce Mollusque , mais rien que nous sachions n'autorise à conclure que les autres Mollusques gastéro- podes présentent les mêmes dispositions au même degré, et à dire que chez eux la circulation est semi-vasculaire et semi-la- cuneuse, pour nous servir des expressions de M. Milne Edwards.

» Ce n'est pas tout. L'honorable académicien croit pouvoir prou- ver facilement que , chez les Mollusques supérieurs, les Cépha- lopodes , de même que chez tous les autres, la cavité viscérale sert d'intermédiaire entre les diverses parties de l'appareil vas- culaire, et constitue réellement une portion de cercle circulatoire parcourue par le sang.

«Mais quoi qu'il paraisse, les faits exposés par M. Milne Edwards ne parlent pas un langage aussi absolu , et dans les détails de son Mémoire , le savant académicien est fort éloigné de nier l'absence complète des veines chez les Mollusques; nous avons dit qu'il en figurait dans ses dessins, et qu'on en trouvait dans ses pièces, mais lui-même, il les admet explicitement dans beaucoup de cas ; c'est ainsi qu'il dit que le sang passe de l'abdomen dans les canaux veineux qui portent le sang du foie, des ovaires et des autres organes vers V appareil de la respiration. Donc tous ces prganes ont des veines propres. Il reconnaît même que chez les

SOCIÉTÉS SAVANTES. 73

Calmars, les lacunes (c'est-à-dire les ouvertures ou les cellules qui établissent communication entre l'abdomen et l'appareil res- piratoire) ne jouent quun petit rôle. Enfin , il n'y a que les Bryozoaires, les derniers des Mollusques , auxquels il refuse complètement des veines , des artères et un cœur ; en d'autres termes, les Bryozoaires seuls sont pour lui de vrais Phlében- térës,

» Ainsi réduites à leur véritable signification, les recherches de M. Milne Edwards ne renversent aucun des principes établis. Elles prouvent que le système des cavités destinées à contenir et à distribuer le fluide nourricier, n'offre pas une organisation, une délimination aussi parfaite chez les Mollusques que chez les Vertébrés , surtout lorsqu'on arrive aux Mollusques inférieurs ; que les veines sont la portion du système circulatoire qui se dé- grade la première ; que cette dégradation se manifeste par un développement relativement plus considérable que chez les Ani- maux supérieurs, d'un tissu vasculaire spongieux, érectile, qui, dans certains organes tels que le pied et les tentacules, peut remplacer entièrement les veines proprement dites, comme cela se voit chez l'homme lui-même dans les parties formées par le tissu caverneux. Que le développement de ce tissu érectile est en rapport avec certaines particularités physiologiques propres aux Mollusques ; enfin, nous admettons encore que chez ces Ani- maux, d'après les observations de Cuvier et de Delle-Chiaje sur l'Aplysie , celles de Owen et Valenciennes sur le Nautile , et sur- tout d'après les observations de M. Milne Edwards , il paraît que les communications entre les cavités viscérales et les voies pro- pres de la circulation, sont plus largement ouvertes que chez les autres Animaux , saris toutefois que rien autorise à regarder une cavité viscérale comme un véritable organe circulatoire.

» Ainsi envisagées, les recherches de M. Milne Edwards sont loin de manquer d'importance et d'intérêt , elles ajoutent à la préci- sion de nos connaissances sur la circulation des Mollusques , et d'autre part , elles suffisent pour expliquer comment, en sui- vant cette pente de l'exagération sur laquelle l'esprit glisse avec tant de facilité, deux naturalistes d'un grand mérite ont pu être conduits à des inductions malheureuses. Ce court épisode du Phlébéntérisme confirme cette pensée d'un ancien, que l'erreur emprunte toujours quelque chose à la vérité [P artem ver i fabula semper habet). »

74 REVUE zooLOGiQDE. { Février iS^5 . )

M. Lar te t adresse un mémoire intitulé : Considérations géo- logiques etpaléontologiques sur le dépôt lacustre de Sansans^et sur les autres gisements de fossiles appartenant à la même for- mation , dans le département du Gers. On sait que M. Lartet s'occupe, depuis longtemps, d'observations géologiques et delà recherche des débris fossiles des animaux qui ont peuplé ces contrées sous-pyrénéennes. Il fait connaître aujourd'hui à l'Acadé- mie les principaux résultats de ces travaux et annonce que, dans un total de huit à dix mille échantillons dont se compose actuel- lement sa collection, il est possible de distinguer les restes carac- téristiques de 98 genres, sous-genres , ou espèces de Mammifères et de Reptiles. Sur ces 98 espèces , 19 ont été observées dans di- vers lieux du département du Gers , et sur quelques points limi- trophes des départements de la Haute-Garonne et des Hautes- Pyrénées; 91 se sont trouvées dans le local si connu de Sansans dont la 20'' partie seulement (environ 40 ou 50,000mètres cubes) a été fouillée. Il y reste encore plus de 800,000 mètres cubes de couches ossifères à explorer.

L'auteur fait remarquer qu'aucun des animaux perdus, dé- couverts dans cette formation zoologique ne peut être identifié spécifiquement avec ses analogues vivants. Les genres nouveaux que l'on y distingue semblent destinés à former le passage entre d'autres genres existants trop distancés, et s'adaptent en quelque sorte aux lacunes de notre série animale.

Séance du 10 février. M. Lerehoullet adresse un Mémoire sur les Crustacés de la famille des Cloportides qui habitent les environs de Strasbourg. C'est un grand et beau travail zoolo- gique et surtout anatomique, accompagné d'excellents dessins, contenant d'abord la description de toutes les espèces qui se trouvent dans l'Alsace , et dans lequel l'auteur a étudié, avec soin et avec le talent qu'on lui connaît, la composition et la structure des parties de la bouche, du tube digestif, du foie, des organes génitaux et du système nerveux.

Ce mémoire a été renvoyé à l'examen de MM. de Blainville, Flourens et Milne Edwards.

M. Pouchet Adresse une Réclamation de priorité relativement à une partie des faits énoncés par M. Milne Edwards dans une 'Communication récente sur la circulation des Mollusques. J^'auteur dit avoir annoncé, il y a deux ans, que, dans lesMollus-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 75

ques gastéropodes, le sang s'épanche dans la cavité abdominale et y est absorbé par les extrémités béantes des veines. 11 adresse comme preuve de ce qu'il avance , un passage d'un mémoire qu'il a publié en 1842, et qui a pour titre : Recherches sur l'anatomie et la physiologie des Mollusques.

M. Milne Edwards avoue qu'il ne connaissait pas le mémoire de M. Pouchet; mais il voit avec bonheur que les recherches de ce naturaliste s'accordent avec les siennes. Il pense que les ob- servations phlébentériques sont destinées à subir toutes les vi- cissitudes des grandes découvertes dont le génie de quelques hommes a doté les sciences, c'est-à-dire qu'on les niera d'abord et qu'ensuite, quand on comprendra la gloire qu'elles peuvent rapporter, chacun voudra les avoir faites avant lui.

Séance du 17 février. M. Joly adresse la Description d'un Agneau derodyme , à Toulouse. Il décrit tous les organes de cet agneau monstrueux, mort à Toulouse , et le compare aux autres dérodymes déjà connus.

Séance du 24 février. M. A. Richard lit un rapport très-fa- vorable sur les collections zoologiques et botaniques faites en Abyssinie sous la direction de M. Lefebvre. Suivant ce rapport, les collections zoologiques comprennent des animaux de toutes les classes. Les articulés appartiennent à la classe des Arachnides et à celle des Insectes ; ils sont au nombre de 400 individus for- mant 180 espèces, savoir; 8 Arachnides, 88 Coléoptères, 3 Or- thoptères , 21 Hémiptères, 19 Hyménoptères, 37 Lépidoptères et 3 Diptères. Sur ce nombre il y en a 70 tout à fait nouvelles. La classe des Reptiles et celle des Poissons sont peu nombreuses. Parmi les Ratraciens est une espèce nouvelle fort remarquable par l'élégance de sa coloration (VEucnemis viridiflavus , Dum. €t Ribr.). La classe des Mammifères offre 20 espèces. De toutes les classes , celle des Oiseaux est la plus riche, car la collection de M. Lefebvre en comprend 200 espèces, parmi lesquelles un certain nombre sont nouvelles.

La collection botanique renferme environ 1,500 espèces parmi lesquelles le rapporteur en indique environ 400 nouvelles.

Un magnifique atlas de 400 dessins accompagne ces collections; il y a des cartes , des vues de pays, des armes, costumes, etc.^ de la zoologie et de la botanique.

Voici les conclusions de ce rapport : « On voit, en résumé, que-

76 REVDE zooLOGiQU£. {Février 1845.;

ces collections ont une véritable importance pour la science. est donc à désirer, et la commission termine par ce vœu, que le gouvernement qui a ordonné cette expédition scientifique, four- nisse à M. Lefebvre les moyens d'en faire connaître les résultats parla voie de l'impression. » Ces conclusions sont adoptées par l'Académie qui décide en outre que copie de ce rapport sera en- voyée au Ministre de la marine.

M. Duvernoy présente un grand mémoire sur le système ner- veux des Mollusques acéphales bivalves lamellibrqnches. Ce beau travail est accompagné de dessins parfaits représentant les diverses dispositions du système nerveux de ces Mollusques. M. Duvernoy insiste surtout sur un cordon nerveux qui règne le long du bord du manteau des Peignes, et qu'il a décrit le premier. J'ai tout lieu de croire , ajoute-t-il,que ce cordon circulaire existe chez tous les Mollusques qui ont le manteau largement ouvert par devant , comme les Peignes , et son bord libre garni d'organes tactiles. M. Duvernoy est parvenu à reconnaître ce cordon cir- culaire dans une espèce de limé (Lima glacialis) et dans l'huître comestible. Dans cette disposition singulière du système nerveux , les nerfs qui partent des ganglions centraux se dirigent, comme des rayons, vers la circonférence du manteau, et aboutissent par leurs dernières divisions dans le cordon circulaire. Dans une autre disposition du système nerveux des Bivalves, celle qui est la plus commune , l'action nerveuse circulaire se partage dans les deux parties du manteau. A cet effet , les nerfs que M. Du- vernoy appelle palléal antérieur et palléal postérieur de chaque côté, contournent par leur tronc ou par une branche principale le bord du manteau , à la manière du cordon circulaire du Peir gne , et finissent par se joindre. C'est du moins ce qu'il a pu con- stater dans la Moule comestible. Il résulte de ce fait que l'action nerveuse est divisée ici dans un double circuit, tandis que dans la disposition précédente il n'y en a qu'un seul pour toute la cir-r conférence du manteau.

Suivant M. Duvernoy, les Mollusques acéphales bivalves qui ont le manteau largement ouvert et garni de nombreux appendices tactiles et de tubercules qui paraissent propres à la vision, sont les plus avancés et les plus élevés dans le degré d'animalité ; tandis que ceux qui ont le manteau complètement fermé, dont l'ouverture antérieure est unique pour l'entrée de l'air et des.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 77

aliments , et qui ont les deux ouvertures postérieures des tubeg respirateur et excréteur des fécés, sont les plus inférieurs.

M. Milne Edwards présente un travail exécuté par son, aide-naturaliste d'Entomologie , pendant son voyage en Si- cile, sur le système nerveux de quelques Mollusques bivalves. Il dit que ces anatom\es , faites sur des animaux vivants, of- frent des résultats différents de ceux qu'a obtenus M, Duvernoy. Nous croyons savoir que les observations de M. Duvernoy , ou du moins la majorité d'entre elles , ont aussi été faites sur des ani- maux vivants, et que l'on peut regarder leurs résultats comme très-exacts et très-positifs. La publication de son travail permettra aux anatomistes d'en apprécier toute la valeur.

Société Entomologique de France* Séance du 8 janvier i 845. La société procède , pour la qua- torzième fois depuis sa fondation , au renouvellement annuel de son bureau. Ont été nommés pour l'année 1845 :

Président. M . le colonel Goureau. Vice-président. ^.Audi- net Serville. Secrétaire. U. Eugène Desmar est. Secrétaire- adjoint. M. Alexandre Pierret. Trésorier. M. Lucien Buquet. Trésorier-adjoint M. Léon Pair maire. Arcbiviste. M. Du- ponchel. M. Goureau lit une note sur \e Nyctophanes can- dellaria Reiche. 11 donne la description du mâle de cette espèce et fait connaître de nombreux détails sur les larves de ce Nycto- phanes ^ qui ont été rapportées à M. Reiche, et proviennent de Bahia. Le même membre donne lecture d'un travail sur le Mi- crogaster globatus. 11 fait connaître avec soin les mœurs de la larve de cet insecte et il en donne la description. M. Blanchard donne des détails sur le genre Diade la division des Eumolpites, et il en fait connaître une espèce nouvelle trouvée en Sicile. Le même membre fait passer sous les yeux de la société , des larves et des insectes parfaits appartenant à une nouvelle espèce du genre Bruchus et provenant de Madagascar. Cet insecte a reçu le nom de Bruchus Pandanio Blanchard. M. Blanchard montre la larve et la nymphe du Figulus striatus , provenant de l'île de France , et il dit que cette espèce doit être rapportée au genre Dorcus. Le même membre communique un individu de la larve et de la nymphe du Batocera rubus , provenant de Pondichéry. —M. GuérinMéneville dit que cette larve de Batocera rubus, est

78 REVUE zooLOGiQDE. ( Févrief 1845. )

connue et que la description en a été donnée par un naturaliste de Calcutta. M. Guérin-Méneville dit que M, le colonel Goureau avait appelé son attention sur le Curculio frumentarius de Lin- née. M. Goureau pensait que la description de cet insecte allait parfaitement à des variétés fauves de Curculio granarius et que la place donnée par Linnée à cette espèce , immédiatement après le Curculio granarius , était une preuve qu'elle était au moins très-voisine de celle-ci. M. Guérin-Méneville a voulu s'assurer de ce rapprochement, et il a cherché dans les bibliothèques la figure que Linnée cite de ce Curculio frumentarius dans les Arcana naturœ de Leuwenhœck. Après huit jours de recherches dans les bibliothèques; après avoir reconnu que l'édition de cet ou- vrage citée par Linnée , n'existe pas à Paris ( il y a sept éditions ; et une seule a été trouvée dans notre capitale), M. Guérin-Méne- ville a rencontré enfin le mémoire de Leuwenhœck dans lequel il fait connaître le Curculio cité par Linnée. L'auteur hollandais l'a vu éclore et sortir du blé qu'il avait renfermé dans un tube de verre , c'est évidemment la Calandra granaria , variété fauve ou morte avant d'avoir acquis toute sa coloration. C'est donc à tort que De Géer a donné le nom de Curculio frumentarius à un Apion rouge , et que tous les auteurs ont copié cette faute sans qu'un seul ait eu un instant l'idée de remonter à la source de cette espèce. Du reste , tous les entomologistes savent que VApion frumentarium ne vit pas dans le blé.

Séance du 22 janvier 1845. M. le colonel Goureau occupe ie fauteuil de la présidence et il prononce un discours d'instal- lation. Dans ce travail l'auteur cherche à démontrer de nouveau l'utilité de l'entomologie. La société décide que ce discours sera imprimé en tête de ses annales pour 1845. M. Amijot donne lecture de la préface d'un ouvrage ayant pour titre : Hémiptères de France avec les principaux types exotiques , méthode mo- nonymique. Dans ce travail l'auteur explique ce qu'il entend par méthode mononymique. M. Guénée lit une note monographique et rectificative sur le genre Talœporia ZeUer {S olenobia Dupon- chel ). Après avoir donné la description et les détails de mœurs sur ce genre , il indique les espèces qui y entrent. La société procède à la nomination d'un membre honoraire. M. le comte Le- pelletier de Saint Fargeau est nommé à la grande majorité des suffrages. ( E. D.)

MÉLANGES ET NOUVELLES. 79

IV. MÉLANGES ET NOUVELLES.

Notre honorable confrère , M. Pfeiffek , de Cassel , nous prie d'annoncer qu'il va publier une monographie des Hélices. Il en- gage les malacologistes de tous les pays à lui communiquer les espèces nouvelles ou peu connues qu'ils possèdent , afin que ce travail soit aussi complet que possible. M. Pfeiffer s'engage à ren- voyer, dans le plus court délai , les coquilles qu'on voudra bien lui communiquer. Il s'engage aussi à laisser aux espèces nou- velles les noms que leurs possesseurs leur auront imposés et de nommer, d'après les auteurs , les espèces qu'on lui prêtera et qui seront déjà publiées.

Nous ne doutons pas de l'empressement avec lequel les véri- tables naturalistes fourniront à M. Pfeiffer les matériaux qu'il leur demande, car ils contribueront à la perfection d'un travail très-difficile , très-utile et pour l'exécution duquel M. Pfeiffer offre toutes les garanties désirables.

Ecrire à M. le docteur L. Pfeiffer, à Cassel.

Nous allons publier, dans le Magasin de Zoologie , une ana- lyse de la traduction d'un mémoire fort intéressant de MM. Han- kock et Embleton , sur l'anatomie du genre Eolis. Dans ce tra- vail , ces deux anatomistes sont arrivés à des résultats contraires à ceux que M. de Quatrefages a annoncés dans ses diverses com- munications sur les Phlébentér es ; mais peut-être cela n'aura-t-il rien d'étonnant pour les adeptes de V École physiologique, puis- qu'ils admettent sans difficulté que des espèces de la Méditerra- née sont organisées tout autrement que les mêmes espèces prises dans l'Océan. En admettant ces principes nouveaux (Voir les Comptes rendus de l'Acad., t. XX, p. 154 et 243), pourquoi se refuserait-on à croire, par exemple, qu'une Éolide des côtes d'Angleterre, peut différer d'une manière considérable, dans son organisation la plus essentielle, de la même espèce prise sur la côte opposée de la Manche? La publication du travail des deux anatomistes anglais donnera aux naturalistes des éléments posi- tifs pour juger cette ingénieuse manière de concilier les résultat» les plus opposés auxquels l'on peut arriver par la Zoologie phy^ Biologique.

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BAISSE CONSIDÉRABLE DE PRIX

DE L'ICONOGRAPHIE DU RÈGNE ANIMAL

DE G. CUVIER.

Cet ouvrage est terminé et se compose d'un fort volume grand in-S*», petit-texte , de près de 900 pages ( contenant la matière de quatre volumes ordinaires), et de 450 planches gravées qui con- tiennent plus de 6,200 figures et représentent , dans leur ensem- ble ou par leurs caractères essentiels , tous les genres et sous- genres du règne animal.

Voulant rendre mon ouvrage plus accessible aux vrais travail- leurs , aux professeurs des départements et aux élèves , qui ne peuvent se passer de son secours pour suivre et mieux compren- dre le texte de Cuvier , je me suis décidé à en baisser le prix de MOITIÉ.

Le prix de souscription était, pour un exemplaire complet, texte et planches, in-8'',fig. noires, de 300 fr.

11 est actuellement de 160 fr.

On peut souscrire et recevoir l'ouvrage en 1 G livrai- sons qui paraîtront de quinzaine en quinzaine ou de mois en mois, et qui seront chacune du prix de 10 francs ( et 25 fr. fig. color.).

Le volume de texte (en deux parties), qui contient une foule de descriptions d'espèces nouvelles et de genres inédits dans le groupe des Articulés et surtout des In- sectes , se vend séparément 24

La 2' partie de ce texte , contenant les Insectes seu- lement, se vend 16

On peut se procurer séparément le texte et les planches rela- tifs aux diverses classes du Règne Animal.

Écrire (franco) au bureau de la Bévue Zoologique , rue de» Beaux- Arts , n' 4 , à Paris.

AVIS ESSENTIEL.

Baisse de prix de la première série du Magasin de Zoologie et des sept premières années de la Bévue zoologique.

On est prié de voir les nouvelles conditions de cette souscrip- tion à l'intérieur de la couverture de la Revue zoologique pour 1845.

HUITIEME ANNEE. MARS 1845.

I. TRAVAUX INEDITS.

Mélanges oiinitoologiques. Par M. F. de Lafresnaye. Comparaison de l'Ornithologie des régions orientales de l'Amé- rique méridionale avec celle des régions occidentales du même continent. (Suite.)

Après avoir comparé dans un précédent numéro l'ornithologie de la Guyane et du Brésil , à l'est, avec celle de la Colombie et du Pérou septentrional , à l'ouest , et avoir reconnu que , quoique situées sous le même parallèle de climat, ces deux ornithologies différaient presque totalement , quant aux espèces , tout en ayant les mêmes genres à très-peu d'exceptions près , nous avons pensé que l'on pouvait désigner par Ornithologie brésilienne celle qui est particulière aux Guyanes et au Brésil jusqu'au Paraguay et à la Plata , et par Ornithologie colombienne celle qui occupe la Co- lombie , la Bolivie , le Pérou septentrional, et nous devons ajouter l'archipel des Gallapagos, situé sous le même parallèle , c'est-à- dire sous la ligne.

Éloigné de deux cents lieues à l'ouest de la côte de Colombie , ce groupe d'îles américaines possède une ornithologie toute amé- ricaine , quant aux genres , mais dont les espèces diffèrent tota- lement de celles du continent et même de la Colombie , dont elle est si voisine; ainsi, dans l'ordre des accipitres une espèce inter- médiaire aux Caracaras et aux buses a paru à M. Gould devoir constituer un nouveau genre , qu'il a établi sous le nom de Cra- xirex, et dont il a décrit la seule espèce connue sous celui de Craxirex Gallapagoensis Gould, Proceedings 1837, p. 9 , et Beagle's voyage , Birds , p. 23 , pi. 2. Un Hibou nouveau, égale- ment particulier à ces îles, a été nommé par lui Otus Gallapa- goensis Gould, Proceed. 1837, p. 10, et Beagle's Yoy. , p. 32, pi. 3. Un Strix l'a été par G. R. Gray , Strix punctatissima Gray, Beagle's voy. , p. 34, pi. 4. M. Gould a décrit une Hirondelle sous le nom de Progne modesta Gould, Beagle's voy. , pi. 5, de plus deux Gobe-mouches voisins du Gobe-mouche rubin, Muscicapa coronata Gm. , sous celui de Pyrocephalus nanus id. pi. 7 et de Pyrocephalus dubius , pi. 47. Un Tyrannula sous celui de Tyrannula magnirostris id. , pi. 8. Trois Moqueurs Tome Vin. Année 18/15. 6

82 REVUE ZOOLOGIQUE. {MaTs 18^5.)

remarquables par leur bec effilé et arqué sous ceux de Mimus tri'fasciatus , melanotis etparvulus id. , pi. 16, 1 7 et lB,etPro- ceedings, 1837, p. 27, habitant chacun une île particulière de cet archipel, et une Sylvicola sous celui de Sylvicola auréola id.,pl. 28.

Mais ce qui est surtout remarquable dans l'ornithologie de cet archipel américain, c'est un groupe nombreux en espèces comme en individus, qui paraît lui être particulier et ne pas avoir même de représentants sur le continent. Ce groupe peut être considéré comme une famille de fringillidées marcheurs, graminicoles et granivores , remarquables par des ailes et une queue fort cour- tes ; par un plumage généralement noir chez les mâles de pres- que toutes les espèces, brun flammèche chez les femelles, et pré- sentant suivant les espèces, dans la forme et la dimension de leur bec , toutes les modifications que l'on remarque chez celui des Coccothraustinées depuis la plus volumineuse et même pro- digieuse d'un bec de Coccothraustes jusqu'à celle atténuée d'un Bengali.

M. Gould a nommé Geospiza ces granivores graminicoles et les a subdivisés en Geospizas , Camarhynchus , Cactornis et Ccrthidea (Proceedings , 1837 , p. 4) et Beagle's Voyage , pi. 36 , 37,38,39,40,41,42, 43 et 44.

Le même savant a nommé une colombe Zénaïda Gallapa- ^oensis,Beagle's voy., p. 115, pi. 46. Cette espèce, rapportée par l'expédition de la Yénus qui avait été reconnaître ces îles , a été décrite dans la Revue, 1840, p. 290 par M. Néboux, chirurgien- major de la frégate, sous le nom de Colombigalline des Gallapa- gos. Ces divers oiseaux, particuliers à ces îles, se font remarquer par une si grande familiarité et si peu de frayeur de l'homme , qu'on peut en tuer un assez grand nombre en très-peu de temps avec un simple bâton.

Parmi les Échassiers et les Palmipèdes , dont on y retrouve un grand nombre des espèces du continent , le Totanus fuliginosus, Gould , et le Zapornis spilonota, Beagle's Voy., pi. 49 , sont les deux seules espèces nouvelles d'Échassiers particulières à ce groupe d'îles.

De retour sur le continent américain et s'avançant vers le sud , on voit les deux ornithologies brésilienne et colombienne pren- dre insensiblement, et chacune de son côté , un nouvel aspect à

TRAVAUX INÉDITS. 83

mesure qu'on s'ëloigiie de la zone intertropicale. On voit dispa- raître peu à peu ces nombreuses et brillantes espèces apparte- nant aux familles si riches des Cotingas, des Tangards ^ des Oiseaux-mouches, et des ManaJdns pour faire place à des espèces et à des genres remarquables au contraire par des teintes obs- cures , mais présentant souvent dans leurs mœurs , ou dans quelque particularité de forme , un intérêt réel pour l'étude. Ainsi le Paraguay à l'est, et le Cbili méridional à l'ouest, nous offrent, sous la même latitude, les Phytotomes , ces singuliers Tanagridécs à bec garni intérieurement d'une double crête den- ticulée qui leur sert à couper les tiges des jeunes plantes cultivées, ou les bourgeons des arbres à fruits. Leur anatomie profonde est modifiée pour ce genre de nourriture herbacée , comme on peut s'en convaincre par la planche 86 de la Revue Zoologique intitulée anatomie du Phytotoma rara , par MM. Eydoux et Ger- vais. Depuis longtemps l'abbé Molina en avait signalé une espèce particulière au Chili, sous le nom de Phytotoma rara y et Azara, une autre au Paraguay , sous celui de el Dentato , le Denté , dont Vieillot avait fait le Phytotoma rutila. Dans notre collaboration avec M.d'Orbigny,nous en avons décrit une troisième espèce, sous le nom dePhytotoma angustirostris , Synopsis avium Americ. , p. 37 ; et voy. en Amer. pi. 29, fig. 1 et 2. Les Rutila, à la même latitude, se trouvent aussi sur les deux côtes opposées; ces espè- ces de Tyrans oU Grands gobe-mouches marcheurs, remarquables par leur plumage varié de blanc , de gris et de noir, et qu'Azara a décrits sous le nom de Pepoazas , qui veut dire en langue gua- ranie, aile traversée, parce qu'elles le sont souvent , en effet , par une bande de couleur différente. Une belle espèce différant des autres par sa coloration brune et fauve , lePepoaza varie- gata Nob. Synops., p. 63 et voy. en Amer., pi. 132 2 ; et Bea- gle's voy. pi. 2 , est particulière à la Patagonie.

Les Fourniers , les Anumbis , et un grand nombre de Syn- nalaœis et d' Anahatcs , tous oiseaux à plumage fauve et à queue rousse, viennent peupler le pays de la Plata. Le Chili nous pré- sente un genre analogue et fort intéressant comme intermédiaire à ceux-ci et aux Sittines dans le genre Dendrodromus leucoster- nus (Gould , Beagle's Voy. pi. 27 ) ; tandis que le type du genre Fournier , le Furnarius rufus , est particulier aux rives de la Plata et est représenté au Chili par le Furnarius cunicularius ou

S\ KEVUE zooLOGiguK. ( Tl/afs 1 845. )

Alouette mineuse Azara , qui , comme lui habitant de la Plata , se trouve encore à l'est depuis le 30" jusqu'au 40= degré, et se retrouve néanmoins sur la côte ouest depuis la Conception au sud jusqu'à Lima au nord. Le genre Moqueur { Orpheus) compte deux espè- ces à l'est dont l'une , V Orpheus calandria , sur les côtes de la Plata , d'Orb., voy. pi. lO , t. 2 ; l'autre le Patagonicus sur celles de la Patagonie, id., pi. 2, fig. 2 ; à l'ouest, elles sont rempla- cées au Chili par V Orpheus ihenca Molina, d'Orb, Voy., pi. 10 , fig. 3; et en Bolivie par les Orpheus dorsalis iricaudatus Nob. Synops.,p. ISetVoy. en Amér.,pl. 2, fig- 1 et page 208. Un autre genre appartenant évidemment au groupe des Tyrans dont nous avions fait nos Pepoazœ recifro^fres Synops. , p. 64, sont re- marquables par leurs pattes et leurs formes robustes , la lon- gueur et la force de leur bec droit , presque cylindrique et très- crochu à l'extrémité, et par suite, par leurs habitudes fier es et courageuses , car ils attaquent et tuent les jeunes oiseaux. Ce sont les Agriornis de Gould , qui dans le Beagle's Voyage, en a décrit quatre espèces et figuré deux sous les noms de Agriornis micropterus et leucurus ( ou plutôt mariiimus d'Orb. de Lafr. } , pi. 12 et 13. Dans le Synopsis, nous avions décrit page 64 et 65 , le gutturalis Nob., figuré dans le Mag. de Zool.; Voy. de la Favo- rite, Ois. pi. 63 ; le montana et le maritima Nob. ou leucurus Gould , ce qui porte le nombre des espèces connues à cinq , par- mi lesquelles le striatus et le micropterus de Gould sont par- ticuliers à la Patagonie, le gutturalis Nob. l'est au Chili et à la Bolivie , le montana Nob. à la Bolivie , et le maritima Nob. à la Patagonie , au Chili et à la Bolivie ; sous le même parallèle , mais seulement sur la côte ouest , se trouve ce singulier Gobe- mouche échassier rappelant par ses formes le genre Grallarie de Vieillot, et dont nous avons fait le genre Muscigral la Synopsis, p. 61 , figuré sous le nom de Muscigralla brevicauda, \oy. en Amer., pi. 39, fig. 1.

Nos Muscisaxicola, Synopsis, p. 65, véritables représentants en petit des Pepoazas , quoique différant de coloration , ont des espèces particulières à la Patagonie et même à la terre de Feu, à l'est et à l'ouest , au Chili et à la Bolivie. Le genre Lessonia de Swainson, formé sur l'alouette à dos rouge Azara , Alauda rufa, Gmel., quoique présentant l'ongle postérieur allongé des Pipis, ne peut figurer convenablement avec eux , mais appartient évi-

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demment au groupe des Gobe-mouches marcheurs , et doit figu- rer comme les Muscisaœicola à la suite des Pepoazas , dont elle a les premières rémiges acuminées.

Dans le genre Fluvicola de Swainson , composé également de Gobe-mouches marcheurs , tandis que le Cyanirostris paraît confiné au Paraguay , la plupart des autres espèces comme le perspicillata , le nigerrima, le bicolor, Victerophrys se re- trouvent à l'ouest en Bolivie , comme à Test à la Plata et même en Patagonie.

. Au milieu de ces espèces à couleur sombre , on voit briller au Paraguay, comme un véritable rubis , ce charmant petit oiseau , à couronne dorée et noire , écarlate au centre , nommé par Azara le Tachurisroi; par Vieillot Roitelet omnicolor^ Galerie, mais à qui on devrait conserver son premier nom , car il n'a ni les formes ni les mœurs d'un roitelet. C'est un véritable gobe- mouche de la section des fluvicolinées de Swainson.

Ces deux ornithologies dont Tune, à Test, suit immédiatement la brésilienne , et l'autre, à l'ouest, la colombienne, peuvent être désignées la première par le nom de Guaranienne ^ occupant le Paraguay, l'Uraguay, Buenos-Ayres ; la seconde par celui de Chilienne , occupant le Chili , la Plata et la Bolivie. Elles précè- dent l'une et l'autre l'ornithologie Pa^a^^omenne occupant à elle seule toute la pointe méridionale du continent américain depuis Buenos-Ayres, c'est-à-dire , la Patagonie et le Chili méridional.

En avançant dans la Patagonie, vers le sud, nous trouvons VUppucerthia dumelorum Is. Geof. et d'Orb.Mus. de Paris, Sy- nopsis, 2* part., p. 20 et Beagle'sVoy.,Birds,pl. 19. Elle fréquente les bords du Rio-Negro , le port Désiré, et se retrouve à l'ouest au Chili à Coquimbo. Diverses espèces à plumage analogue et que nous avions rangées dans le même genre, tant dans le Synopsis que dans le Voy, d'Orb. , elles sont figurées sous les noms d'Uppucerthia montana etJndœcola, pi. 56 , 1 et 2, et d''Uppu- cerihia vulgaris et nigrofumosa , pi. 57, 1 et 2, ont reçu le nom d'Opetiorhynchus de Kittlitz; elles offrent entre elles des difi'érences de mœurs assez marquées , quoique d'ailleurs elles ne puissent être séparées génériquement , vu leur parfaite res- semblance dans les formes comme dans la coloration ; ainsi, tandis que notre Uppucerlhia vulgaris, Synopsis, part., 2 ; p. 23 , se rencontre toujours vivant sur le sol dans les plaines , souvent sur

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les plateaux les plus élevés, se nourrissant en général de Coléop- tères coprophages qu'elle saisit en retournant avec son bec les excréments desséchés des animaux, comme VUppucerthiadume- taria, les trois espèces suivantes, V Uppucerthia rupestris INob., Synops. , part., p. 21 , Sylvia Patagonica Lat. , VUppucert. ou Opetiorhynchus antarticus G. R. Gray, Beagle's Voy. p. 67, et VUppucerthia nigro-fumosa Nob., id., ibid., p. 23, d'Orb. Voy., pi. 57, f. 2 , et Beagle's Voy. , pi. 20 , ne quittent jamais les riva- ges de rOcéanI, soit à l'est soit à l'ouest ; elles en parcourent sans cesse les bords , faisant uniquement leur nourriture de petits crustacés et de petits mollusques qu'elles trouvent dans les fucus rejettes par la mer, lors de la marée montante ; aux îles Falkland , elles ne sont pas rares , on les voit 'souvent mar- chant sur les feuilles flottantes du Fucus giganteus à quelque distance du rivage , et en cela elles imitent complètement les habitudes de quelques espèces de Tringas. Si quelquefois un couple solitaire est rencontré au centre du Chili ou de la Pata- gonie sur les bords d'un fleuve , c'est parce que , remontant le fleuve depuis son embouchure , elles se sont en quelque sorte égarées en trouvant sur les bords une nourriture à peu près ana- logue à celle que les rivages marins leur offraient. De même que les oiseaux des Gallapagos , ces trois dernières espèces sont singu- lièrement familières, et peu effrayées de la présence de l'homme, et V Opetiorhynchus antarticus entre autres, particulier aux îles Malouines ou Falkland, a été signalé dès 1763, par Per- netty, comme étant si familier, qu'il venait pour ainsi dire se percher sur son doigt, et qu'en une demi-heure il en tua une dizaine avec une baguette.

Nous devons observer que depuis le Paraguay et la Plala, le continent d'Amérique se rétrécit sensiblement, les mêmes es- pèces se retrouvent souvent sur les côtes opposées ; mais sur la côte ouest elles remontent toujours bien plus au nord que sur celles de Test. Ainsi beaucoup d'espèces qui , à l'est , ne se rencontrent pas plus au nord qu'au Paraguay, et même en Patagonie, ont été retrouvées à l'est sur toute l'étendue du Chili, et en Bolivie par M. d'Orbigny.

Un genre particulier aux côtes orientales de la Patagonie ex- clusivement, est la Rhinomia lanceolata, Is. Geof. et d'Orb., Mag. de Zool. 1832 , p. 1 1 , pi. 3 et d'Orb. , Voy. , pi. 7 , fig. I .

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Elle n'a encore élé rencontrée que sur les bords du Rio-Negro dans la Patagonie septentrionale , soit par M. d'Orbigny, soit par M. Darwin, le naturaliste attaché à l'expédition du Beagle, Sur ces rives orientales de l'océan Atlantique, elle semble rempla- cer les Megalonyx , Lcss., ou Pteroptochos (Rittlitz.), qui vi- vent à l'ouest sur les bords de l'océan Pacifique ; leurs mœurs sont semblables. Le Pteroptochos Tarnii, on M egalonyxr ufi- 6*eps,Nob., Mag. de Zool., Synopsis, 1837, p. 15, LeptonyxTar- nii , d'Orb., Voy., pi 8, fig. ; ainsi que plusieurs autres espèces de ce genre sont confinés à la côte ouest de l'Amérique du sud ; ainsi le Pterot. Tarnii habite depuis la province de la Concep- tion au sud, vers le 37" degré de latitude , jusqu'au midi de la péninsule de Tresmontes , entre le 41» et le 50' degré. 11 ne se rencontre pas à la terre de Feu, mais il est abondant dans l'île Chiloé , il est appelé par les marins anglais the lîarking bird. Le Pteroptochos megapodius liïtlVitz^ Megalonyx ruf us, Les- son , Cent, zool., pi. GG, le plus anciennement connu , est com- mun dans les contrées arides du Chili central et septentrional , il remplace le Pteroptochos Tarnii, habitant des régions boisées méridionales. Le Pteroptochos albicollis Kittlitz, d'Orb. Voy., pi. 8, fig. 2. Megalonyx médius, Lesson, Illustr., zool., pi. 60 , appelé par les Chiliens Tapacolo , très-commun dans le Chili central , y remplace une quatrième espèce , le Pter. rube- cula, d'Orb., Voy., pi. 7, fig. 3 , 4 , habitant comme le Pter. Tar- nii des forêts méridionales.

Quittant enfin l'ordre des Passereaux, nous trouvons dans celui des Gallinacés et dans le groupe des Tinamidées un type tout particulier et tridactyle, dans l'oiseau envoyé de ces contrées au Muséum par M. d'Orbigny, et qui a été nommé par lui et M. Is. Geof. Eudromia elegans, Mag. de Zool. il est figuré , pi. I. D'Azara l'avait déjà signalé comme-une espèce d'Ynambu (Tina- mou ) des Pampas ou plaines de Buénos-Ayres , ne se rencontrant qu'au delà du 37« degré de latitude , appelle Perdrix à aigrette à cause de sa huppe , comme volant mal et rarement , mais cou- rant rapidement et se cachant, lorsqu'on l'inquiétait , dans les terriers des viscaches et des tatous. D'après M. D'Orbigny , elle habite les terrains sablonneux et arides qui entourent le grand bassin des Pampas , depuis le 38" jusqu'au 46« de lati- tude, et ne commence à être commun que dans les terrains

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déserts qui se trouvent au sud du Rio-Negro en Patagonie. M. D'Orbigny suppose qu'elle doit habiter la Patagonie , depuis l'Atlantique jusqu'aux Cordillières.

On peut regarder comme le représentant de V Eudromia ele- gans à l'ouest, une seconde espèce , également rapportée par M. d'Orbigny , remarquable par ses tarses robustes , réticulés ; ses ongles déprimés et élargis comme chez les Outardes, et dont Vigorsaformé le genre Tinamotis dans les Proceedings, 1836, p. 79 , la considérant comme une espèce de transition des Tina- mous aux Outardes; il la nomme Tinamotis Pentlandii , comme ayant été recueillie et observée pour la première fois par le na- turaliste et voyageur Pentland , sur un plateau élevé des Andes , d'où il l'avait rapportée en Angleterre. Ces deux genres, particu- liers à la Patagonie orientale et occidentale, sont bien des types caractéristiques de l'ornithologie patagonienne. Dans la même famille le genre JVothura de Wagler, démembré de Tinamus, se trouve sur les deux côtes opposées , mais \eJSothura perdicaria de Kittlitz habite le versant occidental des Cordillières, il est le représentant du Nothura major Wagler des rives nord de la Plata , et du Nothura minor-, id. de la Patagonie septentrionale.

Les genres Attagis , Tinochore sont encore des genres parti- culiers à cette extrémité sud de l'Amérique méridionale. V Atta- gis de Gay , Lesson, Cent, zool., pi. 47 , a été découvert au Chili par M. Gay, voyageur et naturaliste ;il se tient sur les sommités des Cordillières , dans la région immédiatement au-dessous des neiges, et sur un sol presque dépourvu de végétation, tandis que V Attagis Falklandica G. R., Gray, Tetrao Falklandicus , Gmel. Caille des îles Malouines^ BufF., enl. 222, semble oc- cuper le dernier poste méridional du continent d'Amérique , car il n'est pas rare sur les montagnes de l'extrémité sud de la Terre-de-Feu , on le rencontre soit par paires , ou en petites compagnies, vers la zone des plantes alpines, au-dessus de la région des forêts ; il est peu sauvage et se tient blotti sur le sol presque nu de ces régions élevées , selon le naturaliste Darwin (Beagle's Voyage). Ces deux espèces, dans leurs localités respec- tives, remplacent assez bien le Ptarmigan de l'hémisphère sep- tentrional.

Le genre Tinochore Eschscholtz qui , dans ses formes et ses mœurs , tient des Gallinacés et des Échassiers tout à la fois , se

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rencontre partout il y a des plaines stériles et des pâturages maigres et découverts dans cette extrémité sud de l'Amérique méridionale. Ainsi le Tinochorus rumicivorus Eschscholtz , se trouve à Test dans les plaines de la Patagonie, près Santa-Cruz , vers le 50« degré de latitude , et à l'ouest sur le versant occiden- tal des Cordillières, à la Conception , vers les lieux le pays couvert de forets se change en vastes plaines découvertes. Depuis ce point méridional du Chili jusqu'à Copiapo , on le rencontre dans les localités les plus dénuées de végétation et les plus déso- lées, où aucun autre être vivant ne semble pouvoir exister. Comme les Perdrix, les Tinochores prennent leur vol en com- pagnies; comme elles, ils sont oiseaux pulvérateurs. Dans ces deux particularités de mœurs , comme aussi dans la forme de leur gésier musculeux , adapté à une nourriture végétale ; dans celle de leur bec voûté ; de leurs narines à opercule charnu, de leurs pattes peu élevées et de leurs doigts , ces oiseaux ont une grande affinité avec les cailles; mais dès qu'on les voit voler, on change d'avis ; leurs ailes longues et pointues , si différentes de celles des Gallinacés ; leur vol élevé et irrégulier, et leur cri plaintif au moment ils s'élèvent du sol , rappellent toutes les allures d'une bécassine , quoique , lorsqu'ils sont réunis en troupe , ils prennent leur essor comme une compagnie de per- drix. Les matelots du Beagle les appelaient en général Bécassines à bec court. 11 est certain que dtins la forme de leurs ailes , la longueur des scapulaires, la forme delà queue, qui ressemble tout à fait à celle du Tringahypoleucos, et dans la couleur géné- rale du plumage , ils offrent la plus grande analogie avec les Tringas, selon M. Gould ; selon nous, ce serait plutôt avec les 7\>urnep 2err es , d'après la brièveté de leurs jambes et l'espèce de plastron noir qui se remarque sur la poitrine des mâles, et qui , de chaque côté , descend du coin de bec. La description anato- mique qu'en a donnée M. Eyton, Beagle's Voy., confirme en par- tie cette affmité avec les Échassiers et les Gallinacés , qui est si remarquable dans leurs formes extérieures et leurs habitudes.

Le Tinochorus rumicivorus Eschscholtz est décrit et figuré tort sous le nom de Tinochore d'Bschscholtz), Is. Geof. et Les- son , Cent. zool. , pi. 50 ; une seconde espèce, le Tinochore d'Orbi- gny, Tinochorus Orbignyanus , Is. Geof. et Lesson , l'est dans le même ouvrage , pi. 48 et 41) , mâle et femelle , et une troi-

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sième sous celui de ïinochore de Swainson, Tinochorus Swain- sonii Lesson , dans les Illustrations de zoologie de cet auteur, pi. 16.

L'Attagis Gayi , Is. Geoffroy et Lesson , est figuré dans la Centurie Zool. de ce dernier, pi. 47.

Une seconde espèce, VAttagis Latreillei , Lesson, est décrite et figurée dans leslllustr. de Zool. du même auteur, pi. 11.

Une troisième , enfin , qui est la première connue , le Tetrao Falklandicus Gmel , est figurée dans Buffon , enl. 222 , sous le nom de Caille des îles Malouines.

Nous terminerons cette revue ornithologique par les deux es- pèces de Nandous ou Rhéas , les géants de la classe au Nouveau Monde, ils